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PHILOSOPHE

10 avril 2011

LE DISCOURS DU PRESIDENT OUATTARA

LE DISCOURS DU PRESIDENT ALASSANE OUATTARA

Monsieur le Président,

Je prends la liberté de vous écrire cette lettre, pour vous dire combien j’ai été séduit par votre discours, antidaté, après la guerre qui se poursuit encore au moment où je suis en train d’écrire. Vous comprenez que le philosophe que je suis, ne peut mener cette calme activité de l’esprit que dans un climat de paix et de quiétude. J’avais l’intention, à la suite de Pierre Fontanier, d’analyser les figures du discours, mais j’ai vite déchanté car Marie-France Cyr m’a obligé de vous dire la vérité sur le mensonge. A la fin Schopenhauer, dans l’Essai sur le libre arbitre m’a invité à ne pas faire de choix, à la manière de l’âne de Buridan, entre ce que vous présentez aux Ivoiriens dans un plateau (le blocus du Président Gbagbo dans un périmètre de sa résidence) et dans un autre plateau (les différentes mesures que vous avez prises pour que la Côte d’Ivoire retrouve une vie normale).

Souffrez, Monsieur le Président, que je sois pour vous un cajoleur, aux dires du Prof.         Joseph Nyasani, in Confounding features of Africa car la flagornerie affecte le cajoleur et le cajolé de la même façon et dans une proportion inverse. Je serai alors cette personne, qui d’une manière générale, lorsqu’elle parle, ne peut pas faire mieux que de voler bas dans la pensée, une personne en faillite de décence ordinaire, une personne, ordinairement heureuse et résignée à vendre son destin et son âme, au Président que vous êtes. Vous le méritez, car vous l’affirmez avec insistance,  : « Vous avez porté votre choix sur ma modeste personne », « (Le) Panel,…les conclusions de ses travaux qui réaffirment mon élection à la Présidence de la République », « le Conseil de Sécurité des Nations Unies reconnaît également mon élection », « Du Sud, du Nord, de l’Est, de l’Ouest, du Centre, que vous soyez chrétiens, musulmans ou de toute autre confession, que vous ayez voté pour moi ou pas… » « Je renouvelle encore aujourd’hui mon serment d’être le Président de tous les Ivoiriens, d’être le protecteur de toutes les populations vivant dans notre beau pays.. » En fin, la dernière « Je vous ai promis un grand pays en cinq ans. » Après cette litanie, je voudrais vous dire, sauf votre respect, Monsieur le Président, que vous êtes, un politicien, au sens noble du terme, c’est-à-dire un menteur. Le politique, pour, Les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, n’est pas une catégorie, ni un domaine, comme pourrait l’être l’éthique ou l’ontologie. Le politique avec ses rituels de fondation, ses dieux, son autonomie articulés à tant de pratiques, n’existe pas. Volatilisé, sans traces, inutile et inconnu, le politique, au sens devenu vulgaire, et même très vulgaire, est couvet de mépris.

Monsieur le Président, je voudrais m’attarder, sur l’ambiguïté de vos paroles. Marcel Détienne l’affirme, la politique, c’est le monde de l’ambiguïté, une pratique qui exige une âme douée de pénétration et d’audace, et naturellement apte au commerce des hommes. Elle exige les qualités intellectuelles qui définissent le prudent, car elle se déploie dans le même milieu des affaires humaines, milieu où rien n’est stable, milieu mouvant, double et ambigu. Excellence, vous êtes un technicien du logos, un instrument et un moyen d’agir sur les Ivoiriens. Vous apparaissez comme quelqu’un qui logifie l’ambigu et qui fait de cette logique l’instrument propre à fasciner l’adversaire, capable de faire triompher le plus petit sur le plus grand. La fin de la politique est la persuasion (peitho), la tromperie(apatè). Au cœur d’une Côte d’Ivoire fondamentalement ambiguë, vos techniques mentales vous ont permis de maîtriser les Ivoiriens par la puissance même de l’ambigu. Vous êtes, Monsieur le Président pleinement un homme de la doxa. Platon a raison de vous tenir pour un maître d’illusion qui présente aux Ivoiriens à la place du vrai des fictions, des simulacres et des idoles que vous les faites prendre pour la réalité. Pour vous, en effet, l’art suprême est de dire des pseuda …etmoisin homoia. Sur ce plan de pensée, il n’y a donc à aucun moment place pour l’alètheia. Alors la véritable question que je vous pose, à la suite de Ahoué Djié est celle-ci : « Et si Alassane Ouattara n’avait pas gagné les élections ? » (Harmattan Avril 2011)

Monsieur le Président, vous souffrez, sauf votre respect du syndrome de Pinocchio. J’explique, l’idée même du syndrome de Pinocchio, a été lancée à l’Assemblée Nationale de Montréal, au Canada, par un député qui tentait d’exprimer sa pensée tout en contournant un tabou absolu dans la langue de bois des élus où le mot menteur, ses synonymes et dérivés sont interdits. Votre discours manque de crédibilité sur quelques points que je voudrais rapidement relever : d’abord, vous parlez d’un blocus qui a été établi autour du périmètre de la résidence présidentielle du Président Gbagbo. Il n’en est rien. Ensuite, vous affirmez que vous vous êtes entretenu ce matin avec le Général Kassaraté, Commandant Supérieur de la Gendarmerie Nationale et le Général Brindon, Directeur général de la Police Nationale. Ici, également, je me permets de vous dire tout simplement, qu’à défaut de vérifier cette information, je tiens à vous dire mon étonnement. Une question que je voudrais vous posez : « Avez-vous confirmé ces deux Généraux dans leurs fonctions, puisque les FDS sont devenus des ex-FDS ? » Si oui, alors « reconnaissez-vous l’autorité qui les a nommés ? » Ce que je ne crois pas. Car, votre discours le disqualifie complètement par des allusions.

L’allusion consiste à faire sentir le rapport d’une chose qu’on dit avec une autre qu’on ne dit pas, et dont ce rapport même réveille l’idée. Un exemple : « Monsieur Laurent Gbagbo et son clan ». Le mot clan ici, suggère que Monsieur Gbagbo n’est pas un démocrate, mais un chef de clan. A un autre endroit, vous employez « Forces Républicaines », suivies de « Forces Armées Nationales » et « des Forces Armées des Forces Nouvelles ». Ici, je m’étonne également : Est-ce que les Forces Armées des Forces Nouvelles ne font pas partie des Forces Armées Nationales ? Peut-être avez-vous voulu parlez des Forces de Défense et  de Sécurité, que vous avez qualifié de ex-Forces de Défense et de Sécurité. Un lapsus qui en dit long. Je m’étonne aussi chaque fois de ces rebaptêmes. Nous sommes partis, des MPCI, des MPIGO et des MJP pour devenir des Forces Nouvelles, là où les autres disaient tout simplement Rebelles. Aujourd’hui ces Forces Nouvelles sont devenues Forces Républicaines de Côte d’Ivoire. L’enjeu de cette dénomination serait la République. Qu’est-ce donc que la République ? L’idée de République au sens où l’entend Juliette Grange est un engagement risqué en faveur de la liberté de la part de ses défenseurs au XIXè siècle ; elle semble devenue un poncif, une banalité, un repoussoir. Je ferme la parenthèse. Monsieur le Président, revenons à nos Généraux. Sachant néanmoins que vous leur vouez une haine exécrable, à ces Généraux et au clan Gbagbo, je doute fort que vous ayez communiqué avec eux. Car la communication est coupée avec eux depuis longtemps. A moins que quelqu’un d’autre l’ait fait à votre place. Alors j’éviterai d’employer les « Je, Moi, Mes, Ma, Mon » qui sont trop présents dans votre discours (j’ai compté, vous avez employé 35 Fois), pour les « Notre, Nous, Nos »(15fois). Nous vous l’avons reproché lors de votre mémorable débat télévisé, vous montrez une trop grande propension à vous mettre en valeur là où vous gagnerez à vous effacer, un peu. Mais peut-être est-ce là aussi le propre du menteur, mentir pour se mettre en valeur ? On dit de certaines personnes qu’elles rabaissent les autres pour mieux s’élever. C’est le cas du mensonge de faire-valoir qui sert à rehausser l’image de soi tout en dénigrant l’autre. Par exemple, en parlant du Président Gbagbo « A cause du refus du Président sortant Monsieur Laurent Gbagbo et de son clan… » « Le Président sortant a continué de multiplier les actes de défiance et de violations graves des droits de l’homme, en massacrant, à l’arme lourde, des populations civiles ». tandis que vous, vous êtes, « Le Président de tous les Ivoiriens », « le Protecteur de toutes les populations vivant dans notre beau pays » et surtout le Président reconnu par tous (CEDEAO, Union Africaine, Panel de haut Niveau, Conseil de Sécurité des Nations Unies, les Ivoiriens du Sud, du Nord, de l’Est, de l’Ouest, du Centre, des chrétiens, des musulmans ou de toute autre confession », « les Forces Républicaines » tandis que Gbagbo est le Président des gens de l’Ouest seulement et des ex-Forces de défenses et de sécurité » et n’est pas reconnu à l’étranger.

Sans le mensonge, disait Anatole France, la vérité périrait de désespoir et d’ennui. Il y a des personnes qui passent leur temps à exagérer pour épater la galerie, qui divise par deux ou trois tous les exploits : « J’ai instruit le Gouvernement », « Je me suis entretenu avec les Généraux… », « j’ai demandé au Président de la CIE et de la SODECI », « J’ai saisi le Gouverneur de la BCEAO… », «  J’ai demandé que les sanctions de l’Union Européenne » , « J’ai également instruis le Ministre des Mines et de l’Energie » Merci Monsieur l’Hyper-président ! Mais une dernière injonction ne comporte pas de « Je » mais « un blocus a été établi »…Est-ce une incapacité, l’aveu d’une impuissance ou une délégation des compétences de l’Hyper-président aux « Forces Impartiales » ? Je voudrais revenir encore une fois aux Généraux.

Quand vous parlez d’eux en les nommant, est-ce que cela fait partie de votre plan d’embrouille, où vous essayez de déstabiliser l’ennemi en essayant d’acheter les consciences, d’affirmer des mensonges…Vous essayez cette combinaison de ruse, de surprise et de démoralisation. Une guerre psychologique, en somme, faite de rumeurs, d’intoxication. Vous voulez semer la discorde chez l’ennemi ; subvertir et corrompre chez l’adversaire Gbagbo, tous ceux qui peuvent l’être, particulièrement chez les Généraux. Beaucoup ont mordu à l’hameçon, mais pas tous…

Aussi, le professeur et romancier Jean Gervais, dans les Mensonges de Simone n’a-t-il pas prétendu qu’il est inévitable que les politiciens mentent, car ils ne pourraient pas demeurer au pouvoir s’ils disaient la vérité. Il ajoute que nous sommes responsables de leurs mensonges puisque nous préférons nous faire bercer d’illusions plutôt que d’entendre des vérités déprimantes. Par exemple : « je vous ai promis un grand pays en cinq ans. Un pays de paix et de prospérité. Ensemble nous le réaliserons. Faites-moi confiance. »

Accorderez-vous votre confiance à un politicien qui admet qu’il a été élu par la communauté internationale et qu’il a bourré les urnes pour gagner les élections ? Habituellement, nous votons pour ceux qui nous proposent des solutions, même si celles-ci sont inefficaces ou ne règlent rien à long terme. Le mensonge serait au fondement même de la politique. Le bienfait qu’il procure – donner espoir – permet de l’accepter. De plus, dans tous les Etats du Monde, la sécurité nationale passe au-dessus de l’obligation morale de dire la vérité. En temps de guerre surtout, les mensonges constituent une arme contre l’adversaire.  (De) La propagande, selon Noam Chomsky,  est cette campagne massive de bourrage de crâne, dont les Etats-Unis sont devenus des orfèvres  et qui peut faire pâlir Goebbels de jalousie. Je n’ai malheureusement plus confiance en la classe politique ivoirienne, particulièrement en vous, Monsieur le Président. J’ai peur de vous. L’enfant à qui l’on ment se sent trahi. Celui en qui il mettait toute sa confiance se révèle être un menteur, un imposteur, un tricheur. Ce constat peut laisser des blessures permanentes : l’enfant peut commencer à se replier sur lui-même et en venir à douter de ses perceptions.

A la place du mot paix que vous employez une ou deux fois dans votre discours, vous privilégiez le mot « pacification ». Je reviens à votre texte : Premier moment « C’est dans ce contexte, que les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, créés par ordonnance du 17 Mars 2011 et composées des Forces Armées Nationales et des Forces Armées des Forces Nouvelles ont entrepris, conformément à leur mission, d’intervenir pour protéger les populations civiles, pacifier le pays… ». Deuxième moment : « dans le cadre de cette action, l’intérieur du pays a été pacifié ». Troisième moment : « depuis leur entrée dans la ville d’Abidjan, le jeudi dernier, les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire ont été rejointes par leurs frères d’armes des ex-forces de Défense et de sécurité, pour entreprendre la pacification de la ville et le retour à l’Etat de droit dans notre pays ». Y a-t-l une différence entre pays et pacification ?

Pacifier, vient de pax, pacificare et veut dire rétablir la paix et le calme. Cette pacification a une part liée à la violence et des modèles de pacification s’offrent à nos yeux, Monsieur le Président : la pacification du Sanwi en 1962 et celle du Canton Guébié en 1970 qui aurait fait 4000 victimes. Pacifier, comme vous le savez, Monsieur le Président, c’est choisir le parti de la violence.

Je vais conclure : S’il m’était donné de choisir, d’un côté entre « maintenir le Président Gbagbo dans un périmètre de sécurité » et de l’autre, toutes les mesures prises par vous, « pour maintenir le maintien de l’ordre et la sécurité des biens, des personnes et de leurs déplacements », « l’acheminement des médicaments vers les hôpitaux et les centres de santé », « la réouverture de la BCEAO et de ses agences en Côte d’Ivoire, en vue d’assurer une reprises des opérations dans toutes les banques et permettre le règlement des salaires et des arriérés de salaires dans les plus brefs délais », « la mise en route de notre raffinerie, la SIR et d’assurer dans l’intervalle un approvisionnement régulier du marché en gaz et en carburant », l’âne de Buridan est appelé à choisir. Mais connaissez-vous l’âne de Buridan et le choix qu’il a été amené à faire ?

Buridan est ce scolastique qui est né à Béthune vers 1300, et qui est mort après 1358. Il est à l’origine d’un argument selon lequel un âne, d’autres versions parlent d’un homme, « entre deux mets placés à pareille distance/Tous deux d’égal attrait, l’homme libre balance/Mourant de faim avant de mordre à l’un des deux ». Aristote, lui-même exprime déjà cette pensée, lorsqu’il dit, dans le De caelo, « Il en est comme d’un homme ayant très faim et très soif, mais se trouvant à une distance égale d’un aliment et d’une boisson : nécessairement il reste immobile. Monsieur le Président, Buridan vous prévient que le peuple ivoirien préférera mourir de faim et de soif, plutôt que de vous choisir. Il est surtout dans la quête du sens. Est-ce parce qu’il est un âne ou parce qu’il veut vous montrer qu’il est devenu majeur et que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu  »

Dans ses Méditations pour les temps difficiles, Paul Brunton nous dit : « Etant pris dans le désordre bruyant du monde, maintenez le calme intérieur. Face à la laideur, songez à la beauté. Lorsque quelqu’un se montre bestial ou brutal en votre présence, faites preuve de raffinement spirituel et de bienveillance à son égard. Mais, par-dessus tout, quand le monde alentour vous semble enténébré et sans espoir, rappelez-vous que rien ni personne n’a le pouvoir d’éteindre la lumière du Soi supérieur, qu’elle ne tardera pas à luire de nouveau en votre vie, aussi sûrement que le printemps succède à l’hiver. »

DR AKE PATRICE JEAN

pakejean@yahoo.fr

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9 avril 2011

UNE LECTURE DE LA RESOLUTION 1975(2011)

UNE LECTURE DE LA RESOLUTION 1975(2011) du CONSEIL DE SECURITE DES NATIONS UNIES EN TROIS REMARQUES

 

La résolution 1975(2011), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6508è séance, le 30 mars 2011, est l’argument juridique principal qu’ont utilisé l’ONUCI et la force Licorne pour bombarder la Côte d’Ivoire dans la nuit du 4 Avril au 5 Avril 2011. Neuf véhicules blindés(légers, porte-roquettes, transport de troupes, quatre canons anti-aériens, vingt pick-up) ont été détruits. Et la France de se réjouir par la voix d’Alain Fillon : « La France peut être aujourd’hui fière d’avoir participé à la défense et à l’expression de la démocratie en Côte d’Ivoire ». Mais qu’est-ce qui autorisent la France et les Etats-Unis à agir ainsi, au mépris du droit international ? L’argument avancé est celui de « neutraliser les armes lourdes contre les populations civiles ». Et ces frappes résultent d’une demande urgente du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon au Président Sarkozy. La Mafiafrique a pris le relais de la Françafrique.

1)    PREMIERE REMARQUE

D’abord, je voudrais faire remarquer à l’armée de la coalition internationale (dont la Licorne et l’ONUCI sont les bras séculiers) et qui combat depuis toujours aux côtés des rebelles, que le camp d’Agban gendarmerie, n’est pas une zone de guerre, mais un camp convivial où vivent paisiblement enfants, jeunes, femmes et époux, et où des infrastructures sociales (écoles, centres de santé, et habitations de famille) se trouvent. L’église catholique Ste Géneviève et la mosquée se trouvent à cent mètres l’une de l’autre et le presbytère des prêtres jouxte l’église. Déjà en 2002, ce camp a payé un lourd tribut de la guerre en Côte d’Ivoire. Les commandants de ce camp ont été égorgés en plein sommeil…9 ans après, d’autres gangsters au col blanc prennent pour cible des enfants (une fillette de 15 ans, membre de la chorale des enfants a été fauchée en pleine journée alors qu’elle tentait de se mettre à l’abri), des maisons(le bâtiment C a été complètement détruit), des véhicules calcinés… Biens et Personnes ont été pris pour cible par des avions Puma déchaînés, qui lâchaient sans répit de centaines de balles et des roquettes. Ces armes ont été lancées de loin, vers un camp, complètement coupé d’eau et d’électricité depuis plusieurs jours. Les personnes qui tentaient de sortir des maisons pour s’acheter de quoi manger étaient abattues par des snippers embusqués. Il y a un autre objectif poursuivi par cette opération de guérilla. Cette guérilla, en tant que tactique militaire, avait pour but de harceler l’armée régulière mais est surtout une expédition punitive contre la gendarmerie qui a toujours manifesté ouvertement sa loyauté vis-à-vis de la République.

2ième REMARQUE

Une deuxième remarque s’impose à moi ; c’est que cette crise ivoirienne est une façon pour l’Européen de traiter le noir, son Autre avec mépris. Les ivoiriens sont traités aujourd’hui encore comme des bêtes, des gens pauvres, des bestiaux bref comme des indigènes et des primitifs. Nous assistons, sous nos yeux, à une recolonisation de la France de la Côte d’Ivoire, et cette entreprise est vue par la classe politique française comme une œuvre salvatrice. Les ivoiriens sont donc des sous-hommes, et la France argue comme preuve les différents charniers découverts (Duékoué, Guitrozon, Abobo, Anonkoakouté). Ce sont des ivoiriens qui ont brûlé et massacré d’autres ivoiriens, qui les ont étranglés et incendié leurs habitations. Au nom de la civilisation occidentale, la Licorne, va se servir d’hommes sans foi ni loi, la Légion étrangère, pour éradiquer ses mœurs barbares. Mais on ne met pas fin à un conflit en prenant position aussi ouvertement ? Comment peut-on rester dans les fourmis magnans pour enlever les fourmis magnans ? N’est-ce pas aussi au nom de la loi de sang selon laquelle un sans pur ne doit pas être contaminé, que leurs ressortissants ont été mis à l’abri au 43ième BIMA ? Mais un Spartacus a sonné la révolte des esclaves…

3ième REMARQUE

Une troisième remarque, la résolution 1975 ne dit rien du droit international, mais traduit une volonté de puissance européocentrée (France, Etats-Unis…), en ce sens que la guerre que nous fait l’ONUCI et la LICORNE est une guerre injuste. Cette guerre cache les mensonges de Choï, le représentant spécial de BAN-KI Moon et de toute la communauté internationale et de ses dirigeants, expose les méandres de leur hypocrisie et traduit l’hommage que le vice rend à la vertu. Aujourd’hui l’n ou l’autre camp politique compte ses morts. Mais seuls les morts peuvent être comptés. Peut-o, mesurer les valeurs de l’indépendance d’un pays par rapport à la valeur des pertes éventuelles en vies humaines nécessaires à sa défense ?

La France est intervenue directement en Côte d’ivoire mais elle doit savoir que les changements de régime dans un pays sont l’œuvre des individus qui vivent sous ses lois et qui sont également ceux qui supportent les coûts du changement et les risques d’échec. La non-intervention ne cède le pas à la proportionnalité que dans le cas de massacre ou de famine et d’épidémie provoquée à des fins politiques. Ce qui n’est pas encore le cas en Côte d’Ivoire. L »action se justifie alors, bien mieux, elle s’impose comme un devoir, sans considération pour l’idée de souveraineté.

Je parlais, tout ç l’heure de loi injuste, je vais être précis. Ici, les Français tombent bêtement dans le jeu des rapports de force. Là, pour reprendre un philosophe allemand, la vie est volonté de puissance ou essentiellement effort vers plus de puissance. Le droit est foulé aux pieds par la force. La Licorne (la Légion étrangère) ne veut pas respecter le Conseil Constitutionnel de la Côte d’Ivoire mais veut imposer de force un Président, lequel sera le tissu de forces complexes, rebaptisées forces républicaines de la Côte d’Ivoire, qui s’entrecroisent, de conflits multiples (IB contre Wattao), dont l’enjeu est le pouvoir et son accroissement.

Pour conclure : la résolution 1975 est une volonté d’éterniser l’équilibre de  puissance présent à condition qu’on en soit satisfait. Cette résolution est un simple reflet de rapports de forces et comme appareil idéologique destiné à mystifier les dominés en dissimulant des relations historiques de puissances sous les apparences. En Côte d’Ivoire, la LICORNE et l’ONUCI réduisent le champ juridique international en champ de tir, une violence euphémisée par la résolution 1975. Cette résolution montre qu’elle n’est pas plus un état de paix que le résultat d’une guerre gagnée : elle est la guerre elle-même, et la stratégie de la guerre en acte. Mais Sun Tse  dans l’art de Guerre, nous met en garde : « Toujours, vous cacherez à vos adversaires l’état dans lequel sont vos troupes : parfois, vous ferez répandre le bruit de votre faiblesse, ou vous feindrez la peur pour que l’ennemi cédant à la présomption et à l’orgueil, ou bien vous attaque imprudemment, ou bien, se relâchant de sa surveillance, se laisse lui-même surprendre. »

22 décembre 2008

JOYEUX NOEL 2008

ELLes non croyants perçoivent dans la fête de Noël quelque chose d'extraordinaire et transcendant qui parle au coeur. C'est une fête qui chante le don de la vie, car la naissance d'un enfant devrait toujours être une occasion de joie. Normalement, un nouveau-né inspire attention et tendresse. Noël est de fait la découverte d'un nouveau-né qui vagit dans une pauvre grotte. A la vue de la crèche, comment ne pas penser à tous ces enfants qui aujourd'hui encore naissent dans le dénuement de par le monde? Comment ne pas penser aux nouveaux-nés refusés et à ceux qui ne survivent pas au manque de soins ou d'attentions? Et aux familles qui espèrent la joie d'une naissance et dont l'attente n'est pas comblée?". Sous la pression de l'hédonisme et de l'esprit de consommation, Noël risque malheureusement de perdre son sens spirituel et de se réduire à une occasion commerciale, à des échanges de cadeaux matériels. Or, les difficultés de tant de familles et la crise économique qui touche l'humanité entière pourraient aider à redécouvrir la simplicité, l'amitié et la solidarité qui sont les valeurs de Noël. Libéré de ses connotations matérialistes, Noël redeviendrait l'occasion d'accueillir comme un cadeau le message d'espérance contenu dans le mystère de la naissance du Christ. Certes, tout ceci ne suffirait pas à récupérer dans sa totalité la spiritualité d'une fête qui, nous le savons, marque l'évènement central de l'histoire, l'incarnation du Verbe en vue de la rédemption des hommes... Pour nous, à Noël, se renouvelle le mystère majeur du salut, promis et accordé..., appelé à durer sans fin... A Noël, nous ne nous limitons pas à commémorer la naissance d'un grand personnage, un mystère abstrait ou plus généralement le mystère de la vie...mais un fait concret et fondamental pour tout homme, essentiel pour la foi chrétienne, une vérité que Jean résume par son Le Verbe s'est fait chair. Il s'agit d'un évènement historique que Luc place dans un contexte bien précis, au moment du premier recensement ordonné par Auguste alors que Quirinus était gouverneur en Syrie . Dans la nuit de Béthléem, une grande lumière s'est allumée. Le Créateur de l'univers s'est incarné en s'unissant pour toujours à la nature humaine, étant vraiment Dieu de Dieu et lumière de la lumière, mais également vrai homme. Celui que Jean appelle...le Verbe, ce qui signifie aussi le sens..., s'est incarné. Loin d'être une idée vague, il s'agit d'une Parole étendue sur le monde et qui s'adresse à nous tous... Ce sens c'est Dieu tout puissant, un dieu bon qu'on ne peut assimiler avec quelqu'être supérieur et lointain, à jamais inaccessible. C'est un Dieu qui s'est fait notre prochain, qui donc nous est proche" et qui se "montre à nous comme un fragile bambin afin de vaincre notre superbe... Il s'est fait petit pour nous libérer de la prétention de grandeur toute humaine qui découle de la superbe. Librement il s'est incarné pour nous libérer, pour nous rendre libre de l'aimer. Noël reste une magnifique occasion de méditer sur le sens et la valeur de nos vies. Puisse l'approche de cette fête solennelle nous aider à réfléchir sur le caractère dramatique de l'histoire où les hommes blessés par le péché sont à la recherche du bonheur, d'un sens du vivre et du mourir. Puisse-t-elle nous encourager sur la miséricordieuse bonté de Dieu, venu à la rencontre de l'homme pour lui offrir personnellement la vérité qui sauve et en fait un ami. Père AKE Patrice Jean

6 décembre 2008

DEUXIEME DIMANCHE DE L’AVENT ANNEE B/7 DECEMBRE

DEUXIEME DIMANCHE DE L’AVENT ANNEE B/7 DECEMBRE 2008

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ !

L’évangile que nous venons d’entendre, en ce deuxième dimanche de l’Avent de l’année B commence par ces quatre mots « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu », qui résument tout le mystère de Jésus de Nazareth. Cet homme, situé humainement, est Christ, Fils de Dieu : c'est-à-dire à la fois roi, Messie, celui qui accomplit l'attente de son peuple, mais aussi réellement Fils de Dieu, c'est-à-dire Dieu lui-même... et là les attentes du peuple élu ont été non seulement comblées mais largement dépassées. Désormais tout l'évangile de Marc sera le développement de ce premier verset.

- « Bonne Nouvelle » : il faudrait entendre cette expression dans toute sa force ! Au sens de « Grande Nouvelle », une grande Nouvelle qui serait excellente. Etymologiquement, c'est exactement le sens du mot « évangile » ; à l'époque, les heureuses grandes nouvelles officielles comme la naissance d'un roi ou une victoire militaire étaient appelées des « évangiles ». Matthieu, Marc, Luc et Jean n'ont pas écrit des livres de souvenirs, des biographies de Jésus de Nazareth ; pour eux il s'agit d'une Nouvelle extraordinaire et elle est bonne ! « Croyez à la Bonne Nouvelle » (c'est une autre phrase de Marc) veut dire « croyez que la Nouvelle est Bonne ! » Cette Bonne Nouvelle, les évangélistes ne peuvent pas, ne veulent pas la garder pour eux ; alors ils prennent la plume pour dire au monde et aux générations futures : Celui que le peuple de Dieu attendait est venu : il donne sens à la vie et à la mort, il ouvre nos horizons, illumine nos yeux aveugles, il fait vibrer nos tympans durcis, met en marche les membres paralysés et va jusqu'à relever les morts. Voilà une Bonne Nouvelle !

- Contrairement aux récits de Matthieu et de Luc, cette Bonne Nouvelle ne commence pas, chez Marc, par des récits de la naissance ou de l'enfance de Jésus, mais tout de suite par la prédication de Jean-Baptiste. « Jean le Baptiste parut dans le désert ». Et Marc cite le prophète Isaïe : « Voici que j'envoie mon messager devant toi pour préparer ta route. A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ». Cette dernière phrase, vous l'avez reconnue, elle est tirée du deuxième livre d'Isaïe dans ce texte qui commence par ces mots superbes « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (Is 40 : première lecture de ce dimanche). En revanche la première phrase « Voici que j'envoie mon messager devant toi pour préparer ta route » n'est pas du prophète Isaïe, mais Marc fait ici un rapprochement très intéressant, avec une phrase du prophète Malachie et une autre du livre de l'Exode.

- Il est rare que les évangiles décrivent le vêtement et la nourriture de quelqu'un ! Si Marc le fait ici pour Jean-Baptiste, c'est que cela a un sens ; « Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. » Les sauterelles et le miel sauvage sont la nourriture du désert, avec ce que cela signifie d'ascétisme, mais aussi de promesses, puisque c'est au désert que la grande aventure de l'Alliance avec Dieu a commencé : manière de dire « la venue de Jean-Baptiste est votre chance d'un retour au désert, des retrouvailles avec votre Dieu ».

- Et voilà pourquoi, je crois, Marc a rapproché les diverses citations que nous avons lues un peu plus haut. Le prophète Malachie écrivait « Voici, j'envoie mon messager, il aplanira le chemin devant moi ». (Ml 3, 1) ; nous sommes dans la perspective de la venue du Jour de Dieu ; et dans le livre de l'Exode on trouve « Je vais envoyer un messager devant toi pour te garder en chemin et te faire entrer dans le lieu que j'ai préparé » (Ex 23, 20) ; c'est un rappel de la sortie d'Egypte. Ce que Marc sous-entend ici en quelques mots, c'est que Jean-Baptiste nous achemine de l'Alliance historique conclue dans le désert de l'Exode vers l'Alliance définitive en Jésus-Christ.

- Quant au vêtement de poil de chameau, il était celui du grand prophète Elie (2 R 1, 8) : c'était même à cela qu'on le reconnaissait de loin ; Jean-Baptiste est donc présenté comme le successeur d'Elie ; on disait d'ailleurs couramment qu'Elie reviendrait en personne pour annoncer la venue du Messie ; on s'appuyait là sur une autre prophétie de Malachie : « Voici que je vais vous envoyer Elie, le prophète, avant que ne vienne le jour du Seigneur... » (Ml 3, 23).

- Pas étonnant, donc, qu'il y ait toute une effervescence autour de Jean-Baptiste : qui sait ? c'est peut-être Elie qui est revenu ; cela voudrait dire que l'arrivée du Messie est imminente. (Entre parenthèses, cette effervescence prouve en tout cas que l'attente du Messie était vive au temps de Jésus). Les foules accourent donc autour de Jean-Baptiste, nous dit Marc, mais lui ne se laisse pas griser par son succès : il sait qu'il n'est qu'une voix, un signe et qu'il annonce plus grand que lui. Il détrompe fermement ceux qui le prennent pour le Messie et il en tire tout simplement les conséquences : Celui que je vous annonce est tellement plus grand que moi que je ne suis même pas digne de me courber à ses pieds pour dénouer la courroie de sa sandale.

- Comme Elie, comme tout vrai prophète, Jean-Baptiste prêche la conversion : et tous ceux qui veulent changer de vie, il leur propose un baptême. Il ne s'agit plus seulement de se laver les mains avant chaque repas, comme la religion juive le demandait, il s'agit de se plonger tout entier dans l'eau pour manifester la ferme résolution de purifier toute sa vie : entendez de tourner définitivement le dos à toutes les idoles quelles qu'elles soient.

- Dans certains couvents du temps de Jean-Baptiste et de Jésus, on allait même jusqu'à prendre un bain de purification par jour pour manifester et entretenir cette volonté de conversion.

- Mais Jean-Baptiste précise bien : entre son Baptême à lui et celui qu'inaugure le Christ, il y a un monde (au vrai sens du terme) ! « Moi, je vous baptise dans l'eau » : c'est un signe qui montre votre désir d'une nouvelle vie ; le geste du baptiseur et le mouvement du baptisé sont des gestes d'hommes. Tandis que le geste du Christ sera le geste même de Dieu « Il vous baptisera dans l'Esprit Saint ». C'est Dieu lui-même qui transformera son peuple en lui donnant son Esprit.

Chers frères et sœurs, de ce bel évangile, nous devons convertir notre conception de la pureté. Premièrement, la pureté n'est pas ce que nous pensons : spontanément, nous pensons pureté en termes d'innocence, une sorte de propreté spirituelle ; et la purification serait alors de l'ordre du nettoyage, en quelque sorte. Comme si on pouvait laver son âme. En réalité, la pureté au sens religieux a le même sens qu'en chimie : on dit d'un corps qu'il est pur quand il est sans mélange. Le cœur pur, c'est celui qui est tout entier tourné vers Dieu, qui a tourné le dos aux idoles ; (de la même manière que Saint Jean, parlant de Jésus dans le Prologue, dit « Il était tourné vers Dieu »). Deuxièmement, notre purification n'est pas notre œuvre, elle n'est pas à notre portée, elle est l'œuvre de Dieu : pour nous purifier, nous dit Jean-Baptiste, Dieu va nous remplir de l'Esprit-Saint. Nous n'avons qu'à nous laisser faire et accueillir le don de Dieu.

Le deuxième mot que cet évangile me fait entendre est celui du désert.  C’est en ce lieu que Jean le Baptiste s’était installé. Car il est des moments de l’existence où il faut savoir prendre du recul, savoir se retirer. Il est parfois besoin d’observer des temps de retraite et d’ascèse. Car accueillir la personne du Sauveur et l’événement de son salut, nécessite aujourd’hui comme hier, que nous préparions notre cœur. N’importe quel amoureux qui est en attente de retrouver son amour, veille à s’offrir à l’autre dans les meilleures conditions. Nous connaissons le Christ comme un grand amour. Comment pourrions-nous ne pas nous préparer de l’accueillir de manière nouvelle, à l’occasion du temps de Noël vers lequel nous cheminons ? Pour cela, écoutons bien la voix du Baptiste et conformons nos comportements à ses appels à la conversion !

Père AKE PATRICE JEAN


19 avril 2008

La protection de la femme non-combattante

LE CAS DE LA COTE D'IVOIRE

          Il s'agit d'un Mémoire de Maîtrise en Droit Public(Option carrière administrative) soutenu par Mlle OSNOU-YOBOUET  Youw Cynthia-Michèle L.), sous la direction du Dr DASSE Francine. Le Jury était présidé par le Rév. Père AKE Patrice et avait pour examinateur Dr SORO. Par cette étude, l'impétrante part du constat que dans les conflits armés africains, les femmes sont plus exposées que les hommes, aux tortures, aux viols, du fait de leur fragilité naturelle. or cette partie de la population a des droits qui relèvent du droit humanitaire qu'il lui faut connaître (cela suppose une bonne information, et une bonne sensibilisation). Ces droits exercent ainsi une protection de la couche sensible de la poulation, mais dans la pratique, la femme est toujours lésée. Tel est le bilan que ce travail observe en définitive. La Côte d'Ivoire est partie aux Conventions de Génève de 1949 ainsi quà leurs protocoles additionnels de 1977, à la Convention de 1993 sur les armes chimiques et au traité d'Ottawa de 1977, ratifié en Juin 2000. Ce pays n'a pas encore ratifié le protocole à la charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme. de Juillet 2003.

1. LE CADRE JURIDIQUE DE LA PROTECTION DES DROITS DE LA FEMME EN PERIODE DE CONFLIT ARME

LA PROTECTION INTERNATIONALE

          Le droit International Humanitaire vise la protection des droits de l'homme, spécifiquement, les droits de conflit armé. En cas de circonstances exceptionnelles telles que les dangers publics exceptionnels menaçant l'existence de la nation (Pactes internationaux de l'ONU de 1966 art. 4) ou encore (Convention européenne des droits de l'homme de 1950 art. 15), ce droit est applicable. Les règles de son application sont aussi simples, détaillées et spécifiques: il n'y a pas de distinction entre les différents types de protections. En ce qui concerne la femme, la protection est essentiellement l' oeuvre des convention de Genève (Convention IV relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 Août 1949) et de ses deux protocoles additionnels du 8 Juin 1977. Au niveau général, cette protection repose sur des principes comme la non-discrimination(1), le droit à la vie(2), le traitement humain(3),  le droit de n'être tenu ni en esclavage, ni en servitude(4) et le droit à la légalité des délits et des peines et des garanties judiciaires(5)

LA PROTECTION SPECIFIQUE

          En plus de la protection générale, la femme bénéficie d'une protection spécifique. Ainsi, "la femme est spécialement protégée contre toute atteinte à son honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution, et tout attentat à la pudeur"(6). En temps de guerre, le régime de faveur accordé aux femmes enceintes et aux mères d'enfants de moins de 7 ans doit être respecté. Elles "doivent bénéficier de tout traitement préférentiel qui est accordé aux catégories correspondantes"(7). En plus "les femmes internées ne doivent être fouillées que par des femmes"(8).

AU NIVEAU REGIONAL
LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES

          Cette charte a été adoptée à la XVIIIè Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement en Juin 1981 à Nairobi au Kenya. Elle contient les principes de base de la protection(9). Elle énonce en outre que "toute personne a droit à la vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne"(10). L'interdiction de la torture, des peines et des traitelments cruels, inhumains ou dégradants figure dans cette charte.(11)

LA PROTECTION SPECIALE ACCORDEE AUX PERSONNES NON COMBATTANTES

          Au niveau de la protection spécifique accordée aux femmes en Afrique nous avons le Protocole de la Charte des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique de Juillet 2003. Ici aussi, "toute femme a droit au respect de la dignité inhérente à l'être humain, à la reconnaissance et à la protection de ses droits humains et légaux"(12). En outre, "les femmes ont droit à une existence paisible et le droit de participer à la promotion et au maintien de la paix"(13).

LA PROTECTION INTERNE

          Le Préambule de la Constitutution Ivoirienne du 1er Août 2000 dit son adhésion à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Le corps de la Constitution fait mention des droits inaliénables et intagibles comme le droit à la vie(14), au libre et égal accès à la justice(15). D'autres textes de lois et de décrets sont utiles pour notre thème.

La première loi est le N° 98757 su 23 Décembre 1998 portant répression de certaines formes de violence à l'égard des femmes. Elle vise aussi à protéger les femmes contre les mutilations génitales.

La Loi N° 2004-403 du 3 Mai 2004 portant création de la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire.

          Les textes réglementaires sont plus abondants que les textes de lois:

Le Décret N° 91-887 du 27 Décembre 1991 portant adhésion de la Côte d'Ivoire à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

Le Décret N° 91-888 du 27 Décembre 1991 portant publication de la Charte Africaine des Droits de l'Homme

Le Décret N° 2003-199 du 3 Juillet 2003 portant sur l'organisation du Ministère des Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire.

2. LA MISE EN OEUVRE INSUFFISANTE DE LA PROTECTION DES DROITS DE LA FEMME EN PERIODE DE CONFLIT ARME

          Mlle OSNOU  constate avec beaucoup de regret que malgré les textes, la protection aurait dû être plus efficace, mais elle est en pratique insuffisante car ces textes ne sont pas appliqués pendant les conflits. Elle révèle "qu'un contingent marocain de casques Bleus de l'ONCI a été suspendu le Vendredi 20 Juillet 2007 pour présomption d'abus sexuel et d'exploitation sexuel à l'encontre des femmes y compris de mineurs à Bouaké"(16) Cette décision est conforme à la politique de tolérance zéro des Nations Unies en matière d'exploitation et d'abus sexuels. Toutefois, comme le souligne le rapport de la Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO), "ces actes, récurrents, dans le Système des Nations Unies sont associables à la liberté et à l'aisance illimitées dont jouissent les composantes civiles et militaires des Nations Unies en zones de conflit" (17).

Un tableau récapitulatif vient nous éclairer sur la situation des droits de la femme (Enquête sur les personnes déplacées internes (PDis) dans la zone gouvernementale) effetcuée par le Ministère de la Solidarité et des Victimes de guerre) (MSVG)

Tableau B1: Importance relative des violences commises sur les femmes déplacées selon les lieux des délits (%)

Lieux de délits A domicile Dans la rue Au cours d'un déplacement En détention Autre
Viols 78,9 0,0 36,7 34,4 0,0
Violences Physiques 51,5 19,7 40,0 11,4 1,2
Menaces verbales 63,8 17,9 41,0 14,1 1,5
Vols/Pillages 85,3 8,9 17,7 10,0 0,4
Autres 23,7 33,3 70,9 0,3 0,4
          LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES

          Devant le caractère limité de la répression tant au niveau des mécanismes au niveau international, qu 'au niveau national, notre impétrante propose des solutions suivantes:

  • La prévention des conflits
  • La prévention de la dégradation du conflit
  • La valorisation de l'apport des organisations non gouvernementales
  • La prévention post-conflit
LA BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX

DAVID (Eric), TULKENS Françoise, VANDERMEERSCH Damien.- Code de Droit International Humanitaire: Textes Réunis au 1 er Mars 2002 (Bruxelles 2002), 750p.

CICR.- Le Droit International Humanitaire, CICR (2001) 32p.

OUVRAGES SPECIFIQUES

KAUDJHIS (Offoumou Françoise).- Droits de la Femme en Côte d'Ivoire (Abidjan, S.D. ) 291p.

KRILL (Françoise).- La protection des droits de la femme dans le Droit International Humanitaire (Genève CICR 1985), 30p.

LALANE (Françoise).- Droits des femmes (Paris, First 1994), 190p.

LYNDSAY (Charlotte).- Les femmes face à la guerre: étude du CICR sur l'impact des conflits armés sur les femmes (Genève CICR 2002), 304p.

SCIOTTI( Lam Claudia).- Droit de l'application des traités internationaux relatifs aux droits de l'Homme (Bruxelles, Institut René Cassin 2004), 704 p.

ARTICLES

ASSI (Rose de Lima).-  "L'adoption du protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes: un pas important dans la lutte contre la discrimination à l'égard des femmes en Afrique dans La lettre de l'IDDH de (janvier 2005), pp. 6-7.

BOUET-DEVRIERE(Sabine).- "La protection des droits de la femme: vers une efficacité accrue du droit positif international dans Revue trimestrielle des droits de l'homme n° 43 (juillet 2000,) pp. 453-477

CHABAUD(Corinne).- " Droits de l'homme: les femmes et les enfants d'abord, dans Croissance n° 362 (Août 1993), pp. 16-17

KAMARA(Moctar).- "La protection des droits fondamentaux dans le cadre de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et au protocole additionnel de juin 1998 dans Revue Trimestrielle des droits de l'homme n° 63( juillet 2005), pp. 709-727

LAMBERT(Pierre).- "La protection des droits intangibles dans les situations de conflits armés dans Revue trimestrielle des droits de l'homme n° 42 (avril 2000)

NGUEMA(Isaac).- "La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, dans Développement et corporation n°1 (Janvier 1999)

REHN (Elisabeth) et SIRLEAF(Hélène Johnson).- "Les femmes, la guerre et la paix: une évaluation indépendante" pp. 14-34

SOLY(Bald).- " Côte d'Ivoire: situation institutionnelle" CEAN Université Montesquieu Bordeaux IV

         

___________________________________

1) Art. 12 des 1ère et 2è conventions de Genève, 16 de la 3è convention, 27 de la IVè convention; art. 75 du protocole 1 et art. 4 du protocole 2. Ces articles prévoient un traitement sans aucune distinction de caractère défavorable, en particulier pour les raisons de sexe. En outre, les personnes protégées seront toutes traitées par la partie du conflit, au pouvoir de laquelle elles se trouvent, avec les mêmes égards, sans aucune distinction défavorable, notamment de race, de religion.

2) Premier droit de l'homme, ce droit est consacré par les art. 3  des conventions de Génève, aux art. 75 et 12 des protocoles 1 et 2. Les protocoles interdisent d'utiliser contre les civils la famine en tant que méthode de guerre.

3) Les belligérants doivent traiter les personnes avec humanité. Art. 3 commun aux 4 conventions et protocole 2. La convention contre la torture du 10 décembre 1984 condamne: "tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonné d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle (...) ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit (...)." Le recours à la torture constitue un crime de guerre selon le statut  de Rome, de la Cour Pénale Internationale, du 17 juillet 1998.

4) Art. 4 de la Déclaration Universelle des droits de l'homme; art. 8 du Pacte de l'ONU.

5) Art. 99, 66,67 des Conventions III et IV de Genève et Art. 75, 6 des Protocoles additionnels 1 et 2.

6) Art. 27 al. 2 de la Convention IV de Genève; art 75 et 76 du Protocole 1.

7) Art. 38 de la Convention 4.

8) Art. 97 al. 4 de la Convention 4.

9) Art. 3. Toutes les personnes ont droit à une égale protection. Le principe de non discrimination est énoncé à l'Art. 2.

10) Art. 4.

11) Art. 5 et Résolution 3452 de la XXXè Assemblée Générale des Nations Unies.

12) Art. 3

13) Art. 10

14) Art. 2

15) Art. 20

16) Mémoire cité, p. 35

17) Ibidem, p. 36

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12 avril 2008

La protection du transporteur et l'OHADA

Ce mémoire de Maîtrise en droit des affaires de Monsieur BALIMA Romuald (rombal1@yahoo.fr) a porté sur le thème "La protection du transporteur de marchandises par route dans l'espace OHADA(1)". Ce mémoire a été dirigé par Maître COULIBALY Climanlo Jérôme, Maître de Conférences, le Président de Jury était le Prof. Roch David GNAHOUI, Maître de Conférences et l'examinateur Le Dr Serge Roland BONI, Maître-assistant. Cette protection a été envisagée sur deux grands axes: le premier est celui de l'insolvabilité du débiteur du prix du transport et le second est celui de la responsabilité du transporteur. Pour éviter que le transporteur ne soit confronté à une situation dans laquelle le débiteur du prix du transport devienne insolvable, le législateur africain prévient l'insolvabilité en proposant l'utilisation des garanties: celles connues du droit commun et celle liées à la spécificité même du contrat de transport de marchandises. Pour ce qui est de la responsabilité du transporteur, le législateur tente de le moduler en édictant des mesures dont les unes ont pour effet de limiter et les autres d'effacer la responsabilité du transporteur. __________________________________________________ 1)OHADA est un acronyme qui signifie "Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires". Elle a été créée par un Traité signé à Port Louis, le 17 octobre 1993. C'est une organisation d'intégration régionale qui regroupe ajourd'hui 17 Etats francophones de l'Afrique de l'Ouest et du Centre et qui a pour but de créer un cadre juridique propice au développement des affaires en élaborant et en adoptant des règles communes simples, modernes et adaptées à la situation des économies des Etats membres et de promouvoir l'arbitrage comme mode de règlement des différends contracuels, d'améliorer le climat d'investissement, de soutenir l'intégration économique africaine, de favoriser l'institution d'une communauté économique africaine, en vue d'accomplir de nouveaux progrès sur la voie de l'unité africaine. La notion d'espace OHADA représente, sur le plan spatial, l'ensemble des territoires des Etats membres, mais aussi, sur le plan matériel, l'ensemble des règles émises par l'organisation OHADA. De ce fait, la protection du transporteur de marchandises routier est ici étudiée au egard seuleent du droit OHADA.

10 avril 2008

Charité, Droit Humanitaire, Droit d'Ingérence

Ce projet de thèse de Doctorat en Culture de la Paix et Action Humanitaire, spécialité (Droit International et Action Humanitaire) est l'oeuvre du Père TOGNAN Siméon, Maître en Sciences Juridiques et a été conduit par le Prof. LEZOU Dago Gérard, Professeur Titualire de la Chaire Unesco pour la culture de la Paix. Le titre est le suivant : Les Activités caritatives de l'Eglise Catholique durant le conflit armé ivoirien à la lumière du droit international humanitaire.

          Son auteur a rassemblé une abondante bibliographie:

A. OUVRAGES GENERAUX

ARON(R.).- La lutte des classes, (Paris, Gallimard, "idées", 1972).

ATALI(J.).- Histoire du temps, (Paris, Fayard, 1982).

BADIE(B.).- Un monde sans souveraineté (Paris, Fayard, 1999)

BAILEY(F.G.).- Les règles du jeu politique (Paris, Fayard 1999)

BAYADA(B.) et al..- Conflit, mettre hors jeu la violence, (Lyon, Chronique sociale, 2000)

BERTRAND(M.).- La fin de l'ordre militaire, (Paris, Presse de Sciences Politiques, 1996)

BOUTHOUL(G.).- Traité de polémologie (Paris, Seuil, 1952)

BOURQUE(R.) et al.. -Sociologie de la négociation (Paris, La découverte 2002)

CHABERT(Y.) et PHILIBERT (R.).- Vivre le pardon (Paris, Les Editions de l'Atelier/Editions ouvrières, 1995)

CREVECOEUR(J.).- Relation et jeu de pouvoir (Paris, Edition Jouvence, 2000)

DANON(P.).- La prééminence constitutionnelle du Président de la République en Côte d'Ivoire (Paris, l'Harmattan 2004)

DUCROT(O.).- Dire et ne pas dire, Principes de sémantique linguistique, (Paris, Hermann, 1972)

DUSSEY(R.).- Pour une paix durable en Afrique: plaidoyer pour une conscience africaines des conflits armés, (Abidjan, Bognini 2002)

FISHER(S.) et al. .- Comment réussir une négociation (Paris, Nouveaux Horizons, Seuil, 1982)

FREUND(J.).- Sociologie du conflit, (Paris, PUF, 1983)

GUERIN(V.).- A quoi sert l'autorité? (Paris, Chronique sociale, 2001)

GUITTON(J.).- La pensée et la guerre, (Paris, Desclée de Brouwer), 1964)

INSTITUT LUMKO.- Pour vivre la réconciliation, Delmenville, Lumko, 2001)

LELLOUCHE(P.).- Le nouveau monde: de l'ordre de Yalta au désordre des nations, (Paris, Grasset, 1992)

MALBERG(R.C.de).- Contribution à la théorie générale de l'Etat, (Paris, Sirey 1920)

N'GUYEN(Q.D.) et al. .- Droit international public (Paris, LGDJ 2002)

POUJOL (J.) et C..- Les conflits: origines, évolutions, dépassements (Paris, Editions Empreinte, 1989)

RECYCLER(L.) et PFAFFENHOLZ.- Construire la paix sur le terrain, (Brussels, Grip et Edition Complexe, 2000)

REYNAUD(J.D.).- Les règles du jeu, (Paris, Armand Colin, 1993)

RYFMAN(P.).- La question humanitaire, histoire, problématique, acteurs et enjeux de l'aide humanitaire internationale, (Paris, Ellipses, 1999)

TOFFLER(A.) et HEIDI.- Guerre et contre-guerre (Paris, Fayard 1994)

TOURAINE(A.).- Sociologie de l'action, (Paris, Seuil, 1965)

URY (W).- Comment négocier la paix, (Paris, Nouveaux Horizons/Seuil 2001).

URY(W.).- Comment négocier avec les gens difficiles: de l'affrontement à la coopération, (Paris, Nouveaux Horizons/Seuil 1982)

WEBER(M.).- IL lavoro intellectuale come professione (Torinno, Einaudi, 1966)

B. OUVRAGES SPECIFIQUES

BOUQUET(C.).- Géopolitique de la Côte d'Ivoire (Paris, Armand Colin, 2005)

DJEREKE(J.C.).- L'engagement politique du clergé catholique en Afrique noire(Paris, Karthala, 2001)

GAZOA(G.).- Les conflits en Afrique noire: Quelles solutions? Le Cas Ivoirien: approches spirituelles et anthropologiques, (Abidjan, Fraternité Matin Edition 2006)

LOUKOU(J.N.).- Histoire de la Côte d'Ivoire. La formation des peuples, (Abidjan, CEDA 1984)

N'SAME(M.).- Choc des civilisations ou recomposition des peuples? Réflexion sur les différences, les différends et le développement des communautés, (Chennevièvres-sur-Marne, Edition Dianoïa, 2004)

KÄ (M.).- Christ d'Afrique, Enjeux éthiques de la foi chrétienne en Jésus-Christ, (Paris, Karthala, 1994)

RAULIN (H.).- Problèmes fonciers dans les régions de Gagnoa et de Daloa, (Paris, Orstom, 1957)

SCHWARTZ(A.).- Le conflit foncier entre Krou et Burkinabé à la lumière de l'institution kroumen, (Abidjan, Orstom, 2000)

THUAL(F.).- Les conflits identitaires (Paris, Iris-Ellipses, 1995)

VERGES(J.).- Crimes contre l'humanité: Massacres en Côte d'Ivoire (Paris, Phanos, 2006)

SIMON (H.).- Eglise et Politique (Paris, Québec, Centurion/Editions Paulines, 1990)

ZORGBIBE(C.).- Le droit d'ingérence, (Paris, PUF 1994), Que Sais-je? N° 2916

C. PERIODIQUES, REVUES et ARTICLES DE PRESSE

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BASSIR (A.).- "O.N.U. les défenseurs de la souveraineté contre les partisans de l'ingérence humanitaire" in Le Monde du 22 Septembre 1999, p. 3

BETTATI(M.).- "Un droit d'ingérence?", in Revue générale du Droit International Public, 1991, pp. 639-670.

BLONDEL(J.L.).- "Signification du mot 'humanitaire' au vu des principes fondamentaux de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge" in Revue Internationale de la Croix-Rouge n° 780, 11/1989

BOKOUAMANGA(H.).- "La non ingérence dans les Affaires intérieurs des Etats" in Afrique d'espérance n° 1, Octobre-Janvier 2002.

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CHEMILLIER-GENDREAU(M.).- "L'autorisation de recourir à la force à des fins humanitaires: droit d'ingérence ou retour aux sources?" in Journal européen du droit international, vol. 4, 1993, pp. 506-533

DE SCHUTTER(R.).- "L'ingérence et conditionalité démocratique: l'état de la question" in Gresea avril 1993, p. 28

DJIDJE(M. A.).- "Cardinal Agré Bernard: la Côte d'Ivoire est victime d'un complot international" in Fraternité Matin n° 11492, 28 Février 2003, p. 4

GORE BI H. et KONE S..- "Le Ministre d'Etat Bohoun Bouabré s'est prononcé sur les grandes questions du développement de la Côte d'Ivoire"  in Fraternité Matin n° 12931, des 18 et 19 décembre 2007, pp. 2-4

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D. OUVRAGES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES

BEAUFF(S.W.).- Guide de l'enquête de terrain, (Paris, La découverte, 1998)

BEAUFFRE(A.).- La stratégie de l'action, (Paris, Edition de l'Aube, 1977)

BLANCHET(A.) et GOTMAN(A.).- L'enquête et les méthodes: l'entretien, (Paris, Nathan 1992)

BOUDON(R.), CHAZEL(F.), LAZARSFELD).- L'analyse des processus sociaux? (Paris, La Haye/Mouton 1970°

BOURDIEU(P.) et al. .- Le métier de sociologue, (Paris, Mouton 1971)

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CROZIER et FRIEDBERG.- L'acteur et son système, (Paris, Seuil 1977)

DURKHEIM(E.).- Les règles de la méthodologie sociologique (Paris, PUF 1981), 21 è édition

MAISONNEUVE(E. de la).- Invitation à la réflexion stratégique, (Paris, Economia 1998)

GODET(M.).- Manuel de prospective stratégique (Paris, Dunod 1977), tome 1et 2

NDA(P.).- Méthodologie de la recherche, de la problématique à la discussion des résultats (Abidjan, EDUCI, 2006), 3è édition

QUIVRY(R.) et CAMPENHOUDT(L.).- Manuel de recherche en Sciences Sociales, (Paris, Dunod, 1995), 2è édition

ROUVERAIN (J.-C).- Mémoire et thèses, l'art et les méthodes (Paris, Maisonneuve et la Rose, 1989)

TOURAINE(A.).- La production de la société, (Paris, Seuil 1993)

          Pour le Père Tognan, il s'agit de qualifier l'ensemble des activités de l'Eglise Catholique, pendant le conflit armé ivoirien de Septembre 2002 à 2006, à la lumière du Droit Humanitaire. C'est un sujet très audacieux en ce qui concerne l'objet d'étude. Pour l'impétrant toute activité caritative inspirant la bonté, rien que la bonté est rarement remise en question. L'Eglise a l'art de s'en tenir à sa neutralité. Mais en quoi consiste l'activité caritative de l'Eglise? Comment qualifier cela au regard du droit humanitaire? C'est à cela que le présent travail nous invite.

          Le Professeur LEZOU DAGO Gérard, Professeur Titulaire de la Chaire UNESCO qui a encadré le candidat, a souligné que l'impétrant a maîtrisé la méthode de recherche et le plan est équilibré. Il s'est enthousiasmé pour la qualité matériel du travail: un mémoire d'une belle facture. pour lui il s'agit d'un savant dosage réussi entre les méthodes des sciences sociales et les sciences juridiques. Le texte est divisé en sections, chapitres et paragraphes. le champ d'enquête est défini clairement. Le Prof. LEZOU a relevé quelques imperfections: par exemple sur les noms des peuples quand ils sont utilisés comme adjectifs. Il a fait remarqué aussi que les hypothèses de recherche sont très longues, alors qu'elles doivent être courtes.

          L'Examinateur principal, le Dr AKE Patrice Jean, Maître-Assistant de Philosophie a insisté sur la charité qui pour lui semble l'objet d'étude: comment cerner cet objet aussi confus s'est-il interrogé car sur le plan de la sémantique et de l'étymologie, ce mot est ambigu. En effet, pour exprimer l'idée d'aimer, les Hébreux n'avaient que le verbe heb et le substantif dérivé ahabah. Ce mot signifiait amour sacré, amour profane, amour chaste et amour impur, la tendresse familiale et la simple amitié. Pur la Bible aimer veut signifier à la fois amour de Dieu pour l'homme ou encore l'amour de l'homme pour Dieu. Quant aux Grecs, le mot amour se dit en quatre termes: agapein: préférence de choix ou d'estime qui dépend de la volonté plutôt que du coeur,

                                                          philein: sentiment qu'inspirent les liens de parenté ou les relations amicales

                                                          eros: déshonoré par une association d'idées impures

                                                          stergein: affection des parents pour leurs enfants.

          Charité vient de carus qui signifie cher, au sens propre et au sens figuré; De caritas, nous avons cherté, par dérivation populaire et charité, par dérivation savante. Nous disons au sens propre cherté des vivres, comme en latin caritas annonae; mais c'est le sens figuré qui nous occupe. Caritas n'est pas tout à fait synonyme de amor. " Quand nous parlons des dieux, dit Cicéron, ou des parents, de la patrie des hommes éminents, nous employons le mot caritas; s'il s'agit des époux, des enfants, des frères et de nos familiers, c'et amor qui convient le mieux" (Partitiones orat. 88). La distinction n'était pas rigoureuse mais en général, sauf chez les auteurs comiques, caritas  avait un sens plus noble et n'aurait pas désigné un amour sensuel. La confusion en français est pire que le latin. Le mot charité, ayant pris un sens restreint ne peut traduire le plus souvent ni caritas ni delectio et doit être remplacé par le mot amour. Pour exprimer soit notre amour pour Dieu, soit l'amour de Dieu pour nous. Nous dirions moins facilement aujourd'hui la charité de Dieu. Quant à la dilection de Dieu, elle est abandonnée par les orateurs sacrés depuis le dix-septième siècle, et elle ne serait tolerée aujourd'hui que chez les mystiques.

          N'est-ce pas cette confusion dans le mot qui a engendré ce malaise de la notion de l'humanitaire, quand on parle d'ingérence lorsqu'il s'agit d'aimer et de faire de la charité? Et puis de quel homme parle-t-on? Peut-on parler de droits de l'homme sans l'humain? Si l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu est absent de tout, de quel humanitaire parle-t-on? Le coeur qui s'émeut d'Ingrid BETANCOURT emprisonnée par les FARC et organise des marches de soutien pour sa libération doit-il ignorer tous les autres prisonniers de la Guérila colombienne? La vie des enfants du Tchad, des mineurs de Tanzanie ou du jeune malien qui s'est jeté dans la Marne pour échapper à un contrôle de police, n'a-t-elle aucun pris pour les militants des droits de l'homme, ou qui peuvent risquer leurs vies pour des moines Tibétains et non pour du sang africain? Quelle est cette charité qui fait deux poids, deux mesures? Pour l'examinateur, au nom de la charité, au nom de Dieu, il faut sauver la vie: parler d'ingérence est un non sens quand la vie est menacée.

          Pour Dr DIASSE Orphée, Docteur en Droit, le candidat n'a pas assez creusé les fondements juridiques des activités caritatives. Elle a demandé à l'impétrant si le droit humanitaire ne prévoit pas des règles. Est-ce sur la base du droit humanitaire? ou du droit canonique? De quel droit humanitaire s'agit-il? S'agit -il du droit des conflits armés internationaux? Pour l'examinateur, nrmalement c'est l'Etat qui doit porter secours à la population. Le fait que l'Eglise le fasse n'est-ce pas une sorte d'ingérence? D'autres questions ont suivi comme celles-ce: existe-t-il une presse neutre? Dans quel rubrique classer le conflit ivoirien? Conflit atypique? Conflit artificiel? Conflit qui a des mutations multiples?

          Quand au Président de Jury, le Prof. ASSALE AKA BWASSI, Maître de Conférences en Philosophie il a montré le rapport du droit à la théorie de la connaissance. Pour lui , la science implique une phénoménologie de l'évidence. Tout dépend de la causalité. Ainsi le doit utilise la causalité déductive. Il faut, selon lui distinguer les sciences normatives et les sciences nomologiques. Les lois sont un rapport nécessaire entre les choses. Si l'on prend en compte tout cela, une loi injuste est-elle recevable?

           Après délibération, le jury a l'unanimité a donné la Mention Très Bien à l'impétrant pour le travail accompli.

3 avril 2008

Les 5 preuves thomistes de l'existence de Dieu

INTRODUCTION

          Le premier problème, en ce qui concerne la philosophie médiévale est de savoir quand elle commence. Pour Jeauneau Edouard, "les limites que l'hsitoire générale assigne au Moyen Age (395/476 - 1453/1492 ne sont pas celles que retiennent d'ordinaire les historiens de la philosophie médiévale"(1). S'appuyant sur Etienne Gilson, notre auteur pense que "les origines du mouvement philosophique médiéval sont liées à l'effort de Charlemagne pour améliorer l'état intellectuel et moral des peuples qu'il gouvernait."(2). Ainsi, pour notre auteur, l'histoire de la philosophie médiévale commence au IXè siècle pour s'achever à l'aube du XVè siècle et elle se limite au monde occidental, chrétien et latin.

          Quant à Maurice de Wulf, il soulève un autre problème qui est le suivant: le terme de Moyen-âge veut dire "âge moyen ou intermédiaire entre l'antiquité et l'humanisme du XVè siècle...(c')estune dénomination de pauvreté, à laquelle s'attache un sens péjoratif"(3). On déprécie également cette philosophie en disant qu'elle est "une philosophie enseignée en mauvais latin, abusant du syllogisme, perdue dans des subtilités ou des niaiseries...une philosophie asservie à Aristote, mais sans le comprendre." (4) Or cette philosophie est très importante, car du point de vue de la philosophie, "des systèmes nmbreux et puissants surgissent du IXè au XVè siècles" et "la philosophie médiévale sort de la philosophie grecque, comme elle prépare la philosophie moderne."(5). Pour notre auteur comme pour nous aussi, celui qui va nous intéresser particulièrement est celui de St Thomas d'Aquin.

          Enfin nous signalerons l'introduction à la philosophie médiévale de Kurt Flash. Cet auteur s'attache à montrer le rôle que "la philosophie a joué dans une situation historique donnée."(6) Il s'agit d'une nouvelle façon de faire de la philosophie dans un contexte polémique, à l'état de dispute et de contradiction. Cette approche nous aidera à risquer une contradiction avec la philosophie thomiste.

PREMIER CHAPITRE: LA VIE ET L'OEUVRE DE ST THOMAS D'AQUIN

   ST THOMAS D'AQUIN (1225-1274)   

          Philosophe et théologien le plus célèbre du XIIè siècle, St Thomas est né vers 1225 à Roccasecca, près de Naples. Confié vers 1230-1231 à l'abbaye du Mont-Cassin, il y est formé aux arts libéraux jusque vers 1239 sans doute. Il est alors envoyé étudier à l'Université de Naples où l'ouverture aux nouvelles oeuvres d'Aristote est encouragée par Frédéric II. Il y découvre l'Ordre des Prêcheurs et, en 1243-1244, décide d'y entrer, en dépit de la résistance de sa famille qu'animent des ambitions tout autres. En 1245 son ordre l'envoie à l'Université de Paris. Promoteur principal pour l'adoption des nouvelles philosophies grecques et arabes, Albert le Grand y est son maître, qu'il accompagne en 1248 pour Cologne. De retour à Paris (1252), St Thomas y enseigne la Bible (1252-1254), les Sentences de Pierres Lombard(1254-1256), puis est maître régent de l'école des Prêcheurs (1256-1259). Il passe alors en Italie pour enseigner dans plusieurs villes, et reprend en 1268 sa chaire à Paris. En 1272, il retourne à Naples pour y enseigner la théologie et sur le chemin du Concile de Lyon, il décède le 7 Mars 1274.

          Exprimée de diverses façons et de multiples ouvrages (commentaires, Traités, Questions disputées), la philosophie de St Thomas est celle d'un théologien spécialement sensible aux exigences de la raison. Elle n'est guère explicable sans celle d'Alabert le Grand et ses efforts puissants pour l'intégration des nouvelles philosophies. Cependant, sans formuler de critique à l'endroit de son maître, St Thomas s'en distingue souvent et toujours en faveur d'une épistémologie et d'une noétique plus décantées et encore plus critiques. Ce dernier partage sans réserve l'estime pour le réalisme aristotélicien qui toutefois ne suffit nullement à caractériser sa philosophie. D'autres oeuvres, en effet, l'alimentent: St Augustin, Denys le pseudo-Aéropagite (l'important Commentaire d'Albert sur les Noms divins, méconnu durant sept siècles, a été rédigé à Cologne par St Thomas), le Livre des Causes, et Avicenne(déjà fort prisé d'Albert).

          La réduction simpliste de la pensée de St Albert à l'aristotélisme est un phénomène d'académisme, polémique au début et par suite naïvement apologétique, elle relève de cet académisme "thomiste qui tout au moins - dans le domaine théologique appelle d'autres considérations - comporte, entraînés par l'usage d'apocryphes tels que l'ockhamiste Summa totius logicae, et par les options discutables des interprêtes, des guachissements voire des mutilations que la méthode historique rend maintenant manifestes.

Quelques oeuvres de St Thomas:

Le Commentaire des Sentences

          Ecrit entre les années 1252 et 1256, cet ouvrage donne trois types d'arguments:

          Un argument per causalitatem, qui consiste à faire remarquer que, si nous avons été faits, cela ne peut être que par une cause extrinsèque. cet argument est très nettement d'origine théologique puisqu'il présuppose la notion de création ex nihilo.

          Un argument per remotionem manifeste que l'imparfait ne peut être sans le parfait. Mais l'établissement de ce principe est pour ainsi dire inexistant.

          Un argument per eminentiam annonce la quatrième voie de la Somme théologique: le bien et le meilleur se disent toujours par comparaison à un optimum; il faut donc un souverain Bien d'où procède la bonté.

          St Thomas assume les trois voies comme trois types de voies. St Thomas assume le raisonnement suivant: Dieu est ce dont on ne peut rien penser de plus grand. Mais ce dont on ne peut pas penser pas penser qu'il n'existe pas est plus grand que ce dont on peut penser qu'il n'existe pas. Donc on ne peut pas penser que Dieu n'existe pas. St Thomas précise bien qu'il s'agit ici d'un raisonnement qui part d'une supposition. Ce point sera jusqu'à la fin de sa vie une des marques de détermination de l'argument.

De l'Etre et de l'Essence,

          Il s'agit d'une d'un ouvrage de jeunesse. Au chapitre IV, St Thomas fait une approche complexe dans laquelle on notera d'abord une remarquable maîtrise des notions métaphysiques d'être et d'essence ou d'acte et de puissance. L'Aquinate commence par affirmer que tout être est nécessairement distinct de l'essence à moins "qu'il n'existe une réalité dont la quiddité soit son propre être. Or la forme ne peut causer l'esse comme une cause efficiente, car une réalité ne peut être cause d'elle-même; ce qui revient à "toute réalité qui n'est pas esse seulement a une cause de son esse." Cet esse ne peut donc être causé que par un autre. Et comme on ne peut aller à l'infini, "il est donc manifeste que l'intelligence est forme et esse et qu'elle tient l'esse de l'Ens premier qui est esse seulement; et telle est la Cause première qui est Dieu".

          Plus loin, l'Aquinate ajoute encore: "Il faut donc que la quiddité elle-même ou forme qui est l'intelligence soit en puissance à l'égard de l'esse qu'elle reçoit de Dieu, et cet esse est reçu par mode d'acte." Ce passage surprend par sa conclusion. On pensait que Thomas d'Aquin avait pour but la démonstartion de l'existence de Dieu: or, il ne s'arrête pas à cela, il va jusqu'à son vrai but, la composition d'acte et de puissance dans l'intelligence.

Questions disputées sur la vérité,

          Datée entre 1256 et 1259, la question disputée De Veritate fournit un premier essai d'argument par la cause finale. St Thomas affirme que toute cause finale implique une intelligence.  Or les animaux ont une cause finale mais pas d'intelligence. Il faut donc une intelligence extrinsèque.

          Le De Veritate donne surtout un mélange d'arguments issus de la théologie ou de la philosophie sans vraiment d'essai de distinction.

Le De Trinitate

          Dans cet ouvrage l'auteur reprend la question de Dieu avec un regard critique. Il s'agit d'une réflexion critique sur la possibilité d'une connaissance de l'existence divine. A l'article 3 de la première question, on assiste à une première remise en cause de l'évidentialisme et donc de l'argument ontologique. Le premier connu n'est pas Dieu mais le singulier. Cette oeuvre est une oeuvre de maturité malgré son inachèvement, car la plupart des outils sont en place. Notons enfin que la pensée évidentialiste est une dernière fois analysée avec faveur. St Thomas écrit: "Par le moyen de principes qui sont innés en nous, nous pouvons facilement percevoir que Dieu existe."(8). Le facilement indique encore une certaine admission de l'évidentialisme de l'existence de Dieu. Mais cela s'accompagne d'un bon environnement critique.

Somme contre les gentils

          La Summa contra gentiles que l'on peut dater en 1259 et 1264, a été écrite à Paris pour le début, et à Rome pour la suite, si l'on en croit les changements de parchemin et d'encre. Ici, St Thomas semble insister plus nettement sur la cognoscibilité de Dieu. Au livre premier, au chapitre dixième puis au chapitre onzième, cinq réponses aux objections manifestent un net dépassement des arguments anselmiens. Le chapitre treizième fait en revanche une très grande place à Aristote. Peut-on parler dune rédecouverte pour l'Aquinate? En outre, nous ne trouvons plus une argumentation courte et soucieuse d'évidence: les quatre longs arguments qui sont donnés reflètent un renouvellement de la recherche.

          Les quatre premiers arguments s'inspirent directement d'Aristote. Après nous avoir situés dans un type de démonstration a posteriori, le premier argument fait appel au principe de causalité physique "tout ce qui est mû est mû par un autre".(Il s'agit d'un argument aristotélicien). La deuxième voie montre que tout moteur n'est pas mû. Cela est vrai "par accident ou par essence", ce que l'Aquinate établit par l'absurde. La démonstration aboutit à un moteur non mû. La troisième voie utilise l'ordre des causes efficientes, et Aristote est de nouveau abondamment utilisé. S'il n'y a pas de cause première dans une série, il n'y a plus de cause dans les intermédiaires; plus rien ne peut donc être causé. La quatrième voie utilise le maxime verum. La cinquième voie réfère à St Jean Damascène à partir de l'ordre du monde. Nous sommes dans le Contra gentiles dans la préparation immédiate de la Summa. ici plusieurs voies sont établies par plusieurs arguments. Chaque voie est un type de raisonnements où des prémisses spécifiques conduisent au même résultat, au même objet.

          D'autres arguments intéressants sont en outre utilisés, mais ils n'ont pas pour but d'établir directement l'existence de Dieu. On y montre la nécessité et l'éternité de Dieu, la parfaite pureté de son être en acte, sa nature intelligente

La question disputée "De potentia Dei"

          Cet écrit date de 1265 ou encore de 1266-1267. Il a été écrit à Rome. Cet manuscrit est le prédécesseur immédiat de la première partie de la Summa. Il semble que St Thomas y continue sa recherche d'arguments divers et variés. Il essaie de les puiser entre autres chez Platon et chez Avicenne, tout en maintenant un argument curieusement attribué à Aristote. Ces trois recherches figurent à l'article 5 de la question 3.

          En ce qui concerne le premier argument, il part du fait que notre être est participé puisque nous avons des déterminations en commun avec d'autres êtres; il faut donc un êre-source transcendant les êtres participés. Cet argument est attribué à Platon qui, notons-le, n'en a jamais fait une démonstration de l'exisence de Dieu. Le deuxième argument va référer à Aristote dans son deuxième livre des Métaphysiques, où l'on constate que ce type de démarche n'est pas non plus une démonstration de l'existence divine. Cet argument est en outre fortement imprégné de néoplatonisme: il préfigure la quarta via de la Summa. Il ne s'agit pas en fait d'une démonstration, et l'on aboutit seulement par confiance dans les conclusions d'Aristote. Cela aura de l'importance pour éclairer la quarta via de la summa.

          Un troisième argument enfin réfère à Avicenne tout en manifestant la structure aristotélicienne du résultat, par l'intermédiare de l'acte pur.

          Le De Potentia représente un essai de recherche sur des philosophies traditionnelles mais assez isolées sur ce type de sujet. St Thomas prépare une synthèse, et semble faire une topique historique.

Somme théologique

          Etant donné la place que nous allons donner à l'étude des cinq voies de St Thomas, nous donnerons ici que quelques remarques sur la place et l'intention de la Summa theologiae.

          La datation de la Summa theologiae quant à la prima pars(qui seule nous intéressera) ne pose pas un réel problème de fond: "il semble assuré que, durant le temps où il resta à Rome (jusqu'en septembre 1268), Thomas rédigea la prima pars en entier et qu'elle fut en circulation en Italie avant même son retour à Paris."(8). La question qui nous intéresse surtout (début de l'ouvrage) date aussi de cette période: 1266-1268.

          La Summa theologiae selon son auteur est d'abord un traité pratique à l'usage du débutant (l'incipiens). Il y a synergie entre le souci méthodologique de la Summa et une certaine maturité systématique en ce qui concerne les voies d'accès à Dieu: on ne peut donc s'attendre à une sorte de "sommet" de réflexion. La structure de la Summa a été longtemps discutée. Les trois parties sont trois modes d'un même ordo ad Deum en raison des trois présences de Dieu: présence créatrice, présence de grâce et présence personnelle par l'Incarnation.(9). La Summa est étymologiquement la science De Dieu et elle doit commencer par regarder si Dieu existe et qui il est, le plus fondamentalement et le plus complètement. cette exigence fondamentale explique le point de départ plus physikos qu'on a maladroitement appelé le De Deo uno et que St Thomas semble désigner plutôt en employant des expressions comme Ea quae ad essentiam Dei pertinent(et pour la deuxième partie Ea quae ad operationem Dei pertinent). L'exigence ultime correspondra au regard issu de la Révélation et c'est ce qu'on a appelé le De Deo trino.

          Notre prima pars est au point de départ d'un traité didactique de théologie, qui va analser en premier lieu l'exigence et la présence causale de Dieu.

A Suivre.......

Dr AKE Patrice pakejean@hotmail.com

Philosophie du droit4.bmp

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1) JEAUNEAU(Edouard).- La philosophie médiévale (Paris, PUF, 1963), p. 3

2) JEAUNEAU(Edouard).- La philosophie médiévale (Paris, PUF, 1963), p. 4

3) WULFF(de, Maurice).- Histoire de la philosophie médiévale. Tome 1er. Des origines jusqu'à la fin du XIIè siècle (Paris, 1934), p. 9

4) WULFF(de, Maurice).- Histoire de la philosophie médiévale. Tome 1er. Des origines jusqu'à la fin du XIIè siècle (Paris, 1934), p. 10

5) WULFF(de, Maurice).- Histoire de la philosophie médiévale. Tome 1er. Des origines jusqu'à la fin du XIIè siècle (Paris, 1934), p. 12

6) FLASCH (Kurt).- Introduction à la philosophie médiévale (Suisse, Fribourg 1992), p. VI

7) St Thomas d'AQUIN.- In de Trin., q. 1, a. 3, ad 6

8) BARBELLION(Stéphane-Marie).- Les preuves de l'existence de Dieu. Pour une relecture des cinq voies de saint Thomas d'Aquin (Paris, Cerf, 1999), p. 217

9) BARBELLION(Stéphane-Marie).- Les preuves de l'existence de Dieu. Pour une relecture des cinq voies de saint Thomas d'Aquin (Paris, Cerf, 1999), p. 218

1 avril 2008

Poisson d'Avril

          Un poisson d'Avril est une plaisanterie, voire un canular que l'on fait le 1er Avril à ses connaissances, ou à ses amis. Il est aussi de coutume de faire des canulars dans la presse, aussi bien écrite, radio télédiffusée et sur Internet. Un poisson est un symbole de l'élément Eau dans lequel il vit. On le sculptait à la base des momuments khmers pour indiquer qu'ils plongeaient dans les eaux inférieurs, dans le monde souterrain. A ce titre, il pourrait être considéré comme participant de la confusion de son élément, et partant comme impur. C'est ce côté confusion que nous retiendrons pour le cas du poisson d'avril.

          Pour les enfants, il consiste à accrocher un poisson de papier dans le dos des personnes dont on veut se gausser. "Poisson d'avril" est aussi l'exclamation que l'on pousse une fois qu'une des plaisanteries est découverte, ou pour avertir aussi la victime du canular que l'histoire qu'on vient de lui raconter est fausse. Cette tradition trouverait son origine en France. On  raconte que jusqu'en 1564, l'année commençait le 1er avril. Cette année là, le roi Charles IX décida de modifier le calendrier. L'année commencerait désormais le 1er janvier.

          Le 1er janvier 1565 tout le monde se souhait "bonne année", se fit des cadeaux, se donna des étrennes, tout comme à un début d'année. Seulement quand arriva le 1er avril, quelques petits farceurs eurent l'idée de se faire encore des cadeaux, puisque c'était à cette date qu'avant on s'en faisait. Mais, comme c'étaient des farceurs et que ce n'était plus le "vrai" début de l'année, les cadeaux furent de faux cadeaux, des cadeaux "pour de rire", sans valeur.
À partir de ce jour là, raconte-t-on, chaque année au 1er avril tout le monde, grands et petits, prit l'habitude de se faire des blagues et des farces
Comme à cette période de l'année, au début du mois d'avril, en France, la pêche est interdite, car c'est la période de fraicheur des poissons (la période de reproduction), certains avaient eu comme idée de faire des farces aux pêcheurs en jetant des harengs dans la rivière. En faisant cela, ils devaient peut-être s'écrier: "Poisson d'avril!" et la coutume du "poisson d'avril" est restée.

          Aujourd’hui, on ne met plus de harengs dans l'eau douce, mais on accroche, le plus discrètement possible, de petits poissons en papier dans le dos des personnes qui se promènent parfois toute la journée avec ce "poisson d'avril" qui fait bien rire les autres. Certains racontent aussi que le "poisson d'avril" serait devenu "poisson" parce qu'au début du mois d'Avril la lune sort du signe zodiacal des Poissons. Ainsi en astrologie (19 février-20 mars), douzième et dernier signe du Zodiaque, les poissons se situent juste avant l'équinoxe de printemps. Ils symbolisent le psychisme, ce monde intérieur, ténébreux, par lequel on communique avec le dieu ou le diable; ce qui se traduit dans l'horoscopie par une nature manquant de consistance, très réceptive et impressionnable. Leur maître traditionnel est la planète Jupiter, à laquelle on a adjoint, après sa découverte, Neptune.

          En Belgique, aussi la tradition du poisson d'avril reste bien vivante.
" Les jeunes gens, dans les écoles, attachent un poisson en papier dans le dos de leurs camarades, de leurs parents, de leurs professeurs... La presse (tv, radio, journaux) diffuse ce jour-là des informations fausses mais crédibles. Parfois même les hommes politiques sont complices. Entre amis, etc, on se fait aussi des blagues téléphoniques ou autres..."

          En Amérique, mais aussi en Grande-Bretagne, on dit "April Fool's" (le dupe d'avril), pas de poisson ! le symbole du 'Fool's day' n'est pas le poisson, mais un coup de pied aux fesses (ce n'est pas un poisson qu'on accroche dans le dos, mais un message 'kick me' !!!). Ok, ça porte bonheur, mais bon...

          En Afrique aussi cette tradition du poisson d'Avril existe. C'est un poisson réel qui s'appelle l'aprium zygomatum piscus. Ce poisson est originaire du détroit du Mozambique, au Sud-est de l'Afrique. Ses couleurs vives et son motif facial qui donne l'impression qu'il 'sourit' ont fait son succès auprès des occidentaux, mais en font surtout un symbole important pour les ethnies locales.
Les couleurs vives de la femelle (bleu et jaune orangé) en font un ornement recherché pour les fêtes et cérémonies. Ainsi, les pêcheurs malgaches de l'ethnie Vezo doivent, pour séduire leur belle, pêcher le plus gros poisson d'avril et le lui offrir. Si elle le porte lors de la traditionnelle 'fête du poisson', c'est qu'elle accepte son hommage. L'ôdeur forte du poisson qui subsiste dans l'habitation familiale est le symbole de la virilité du pêcheur qui l'a ramené. De même, ses écailles réduites en poudre ont des vertus aphrodisiaques et ses arêtes sont exportées dans tout l'hémisphère Sud comme cure-dents.
Bon... vous y avez cru ? Eh bien c'est un poisson d'avril !!! ;-)

          Aujourd'hui, les blagues du 1er avril sont le lot traditionnel des journalistes qui rivalisent d'imagination pour colporter fausses nouvelles et autres plaisanteries : attaque extra-terrestre, capture d'un yéti, disparition des impôts... Cette évolution vers la presse vient-elle du fait que longtemps, on a enveloppé le poisson dans du papier journal ? Qui sait...

          De toute façon, c'est une bonne occasion de prendre la vie du bon côté et de surprendre vos collègues et amis par des petites facéties.          

4 février 2008

PHILOSOPHIE DE L'ESPRIT, MYSTIQUE ET SPIRITUALITE

INTRODUCTION LA PHILOSOPHIE DE L'ESPRIT La philosophie de l'esprit s'intéresse en particulier à l'être de l'esprit. L'esprit, selon Claude Bruaire(1) est "un vieux mot usé, archivé comme dénominateur commun des songes préscientifiques". "Il n'a plus d'emploi, sinon résiduel ou dérisoire, ajoute-t-il"(2).. Nous pouvons ainsi distinguer des emplois comme l'esprit de la lettre, mais sens ou signifié sont plus doctes. Ainsi, pour ce métaphysicien, "l'esprit ne désigne rien de ce qui est, rien de réel, d'objectif, observable et vérifiable"(3). Et notre auteur d'ajouter "devenu introuvable, vague et désuet, l'esprit, c'est convention obligée de la modernité, n'a pas d'être. Ce qui est, ce qui mesure l'être et révoque l'imaginaire subjectif, c' est la chose comme élément ou ensemble de la matière dont les sciences prouvent et éprouvent l'indubitable vérité"(4). Une remarque importante s'impose dès lors: la révocation de l'être de l'esprit est contemporaine, à l'origine comme en son développement, d'une réduction de l'objet de nos savoirs à la matière du monde. Malgré quatre siècle de domination de la science sur le monde de la pensée, de diktat de la mesure, il semble que "l'intériorité spirituelle comme ses manifestations demeuraient lieu d'élection réservée à la réflexion philosophique."(5) Malgré la pression du poids des choses matérielles et du prestige des techniques opérantes en leur monde, "l'intériorité s'avérait creuse comme un songe, vide d'être, ne faisant pas le poids"(6), notre auteur ajoute "la philosophie se consumait elle-même pour faire l'aveu d'une illusoire phénoménologique"(7). Jean-Paul Sartre a pu constater dans l'Etre et le Néant que "La pensée moderne a réalisé un progrès considérable en réduisant l'existant à la série des apparitions qui le manifestent"(8). Dès lors, la philosophie couple la phénoménologie empirique des sciences, comme une ombre vaine, cédant son champ incertain aux sciences humaines qui n'ont d'autre méthode que celle des sciences de la nature. Réduite alors à une vaine instance critique, "la philosophie, ajoute Bruaire, sombrait dans les soupçons d'elle-même, oublieuse du fond crûment naturaliste des dogmatiques qui les véhiculent."(9) "Exclue du savoir, interdite de scientificité, privée de tout domaine réel d'investigation, la philosophie, aux dires de Bruaire, ne peut dès lors que s'assimiler aux mots des idéologies du siècle passé qui sont elles-mêmes condamnées à leurs deux normes constitutives: que leurs idées s'avouent comme dérivant de ce qui n'est pas l'idée, le sens du non sens, et qu'elles restent neutres à l'égard du vrai et du faux, comme des mots indifférents aux choses."(10). Le concept ainsi privé de sa nécessité est alors indemne de l'être.(11). L'ontologie est destituée en conséquence car elle a oublié l'être de l'esprit. l'effacé en nos savoirs et nos jugements. Or le génie d'Aristote avait longtemps avant découvert l'être-en-puissance" comme l'esprit dans la nature, l'invisible dans le visible, le possible dans le réel et le pouvoir dans son exercice. Désormais, comme le dit Sartre, "l'être-de-derrière-l' apparition…ne s' oppose plus à l'être, mais…en est la mesure, au contraire. Car l'être d' un existant, c' est précisément ce qu' il paraît."(12) L' apparence, en effet, ne cache pas l' essence, elle la révèle: elle est l' essence. Et il reconnaît que "le phénomène peut être étudié et décrit en tant que tel, car il est absolument indicatif de lui-même"(13). En conséquence, la phénoménologie n' est rien moins qu' un nominalisme. L' homme également est dès lors mesuré et apprécié à ses actes observables et à ses performances vérifiables. Mais si l'esprit n' a pas d' être, chacun est mesuré à sa vie biologique et à sa production économique. Par exemple, le médecin devient un prescripteur d' ordonnance, le politique est liseur des sondages d' opinions, le prêtre un administrateur des sacrements, l' artiste quelqu'un qui orne de façon superflu le réel et le métaphysicien un archéologue. Mais nous nous rendons compte que malgré les besoins matériels démultipliés, le désir métaphysique est inextinguible en l' homme. La liberté, introuvable en la matière devient un cri ou un mot, qui quoiqu' insignifiant a une survie prolongée. Et, Bruaire de donner une nouvelle tâche à la philosophie: "Réanimer la mémoire de l'esprit en faisant d' abord anamnèse de son concept".(14) Notre démarche dans cet exposé sera de reconnaître l'être de l'esprit et recouvrer l' exigence ontologique du savoir. Nous saurons alors si l'esprit est un concept, avec l' unité de sens requise et son irréductibilité attestant sa nécessité. Mais auparavant, il nous faut montrer le lien qu' a la philosophie de l'esprit avec la mystique et la spiritualité. LA PHILOSOPHIE DE L'ESPRIT ET LA MYSTIQUE La question de la mystique n' est pas étrangère et indifférente à la philosophie de l'esprit. Edith Stein, Simone Weil et Theillard de Chardin ont des itinéraires philosophiques que d' aucuns qualifient de mystique. "La figure du mystique, selon Jean Greisch, se confond pour le philosophe avec la figure de l' autre et de l' étranger."(14). Même si nous pouvons relever des occurrences du mot "mystique" chez tel ou tel philosophe, ce qui est important ce sont les effets radioactifs de la réalité que désigne l' expérience mystique. Si la question fondamentale du rationalisme "qu' appelle-t-on penser?" est importance, la seconde question "comment entendre la voix de l' autre en soi" ne l' en est pas moins. Elle n' est pas une question extrinsèque mais intrinsèque à la philosophie. LA PHILOSOPHIE DE L'ESPRIT ET LA SPIRITUALITE Si la spiritualité signifie une manière d' être de l' existence par et selon l'esprit, pour Claude Bruaire, " une vie spirituelle entretenue dans la vie naturelle et qui se sait irréductible au langage comme aux actes (caractérise) le comportement humain"(15). Spécialement, quand elle se dit inséparable de l' invocation religieuse, la spiritualité signifie, pour notre auteur, que "la parole de foi, pour ne pas s' épuiser en des mots insignifiants, exprime l'esprit qui l' anime, est en relation de l'esprit à l' Esprit"(16). Mais pour une certaine philosophie, ces vocables d' esprit, de vie spirituelle sont couramment entendus comme des termes vides de sens, relégués dans une préhistoire d' ignorance. "Ils sont assignés, selon Bruaire, à l' intériorité, au repli sur soi, au vide intime qu' emplissent les pulsions du corps et ses phantasmes, à la vie réfugiée dans une subjectivité douteuse, abstraite du monde de la nature et de l' histoire, désertant l' expression et l' action."(17). La modernité qui pense que l'être a pour mesure le phénomène observable, identifiable et mesurable, conclut que "l'esprit n' a pas d' être et ne désigne que la conscience vide et son arrière monde inconscient."(18). Dès lors la spiritualité ne réserve aucune réalité de l' existence et n' est qu' un terme usé et suspect du vocabulaire préscientifique. 1. L'INTERROGATION PHILOSOPHIQUE ET L'EXIGENCE SPIRITUELLE 1.1. L'ESPRIT DANS SON CONCEPT ET SES MANIFESTATIONS Héritées de l' usage philosophique grec, les significations du terme "esprit" semblent équivoques et défier l' unité conceptuelle demandée. La variété des équivalences et des traductions laisse deviner que ce terme a toujours été susceptible d'être utilisé lato sensu dans des situations où, en plus de son acceptation propre, il a la charge de résumer celles de plusieurs autres termes auxquels la tradition l'a apparenté. C'est essentiellement comme terme d'une opposition qu'il joue ce rôle récapitulatif. L'esprit est d' abord symbolisé par le rythme de la respiration de la vie, le πνεύμα qui dit l' équilibre du contre courant de l' inspiration et de l' expiration: l' intérieur et l' extérieur, concentration et expansion, concentration systolique et extension diastolique, le secret et le manifeste. Ainsi la signification pneumatique fait symboliser l'esprit avec la vie, recueillant l' unité rythmée d'un double mouvement inverse de lui-même et de son énergie. Mais l'esprit dit aussi l' ordre du νούς, de l' intelligence adhérant à l' intelligible dans l' immobile vision ou contemplation. Et ce sens nouménologique adhère à notre mot pour, semble-t-il, condamner au double emploi un simple synonyme. L'esprit, chez les Présocratiques, a eu une belle expression chez Anaxagore. Le fragment 12, Simplicius in Phys. 164, 24 et 156, 13 nous enseigne que toutes les autres choses ont une part de chaque chose, mais "(l)'Esprit est infini et se gouverne de façon autonome et n'est mélangé à rien, mais est tout seul par lui-même ."(19) Un peu plus loin dans le même fragment, il écrit que l'Esprit est "la plus fine de toutes les choses et la plus pure, il a connaissance de tout et le plus grand pouvoir; et (il) contrôle toutes choses, à la fois les plus grandes et les plus petites, qui possèdent vie. (Il) contrôlait aussi la rotation…"(20). Selon le même auteur, l'Esprit a agencé toutes les choses qui doivent être (celles qui ont été, celles qui sont maintenant et celles qui seront). Il a aussi agencé cette rotation qui fait maintenant tourner les étoiles, le soleil et la lune, l'air et l'éther qui sont en cours de séparation."(21) Pour le Frag. 13, Simplicius in Phys. 300, 31, quand l'Esprit mit le mouvement en marche, de tout ce qui était mû, Esprit fut séparé, et chaque fois qu'il remuait une certaine partie, celle-ci était entièrement séparée du reste.(22). De tous ces fragments vus plus haut, nous pouvons retenir tout simplement que chez Anaxagore, l' Esprit est une force motrice unique et intellectuelle, une entité vraiment immatérielle. Il possède toutes les qualités d'un principe abstrait. Mais chez lui l'Esprit est corporel et doit une partie de son pouvoir à sa finesse, et le reste au fait que lui seul, bien que présent dans le mélange, demeure cependant pur. Esprit en outre contrôle tout ce qui possède vie. S' il existe des choses en lesquelles Esprit est présent, il y a évidemment des choses dans lesquelles il n' est pas. Il faut donc se représenter Esprit en tant qu'inégalement distribué à travers le monde dans les choses vivantes. Esprit est aussi le Dieu unique de Xénophane de Colophon. Aristote qui commente la pensée de Xénophane donne à entendre que " le dieu unique n'est ni immatériel, …ni matériel"(23). Ce bref détour à travers la philosophie antique nous a permis de connaître l' origine de Esprit. Au cours des trois siècles d'évolution de la philosophie "moderne" (depuis Descartes), on observe une forte tendance vers cet usage l'esprit résume des traits caractéristiques d'activités qui échappent ou s'opposent aux processus physiques (matériels ou corporels). Sous une superficielle apparence de richesse, la situation ainsi produite témoigne d'un affaidissement de la notion, lorsqu'elle s'affirme ou se maintient, ou d'une érosion des domaines dont on prétend qu'elle organise encore le sens. Contrairement à l'attente, ce sont des auteurs qui se veulent matérialistes ou phycalistes, en ce sens du moins qu'ils refusent d'accorder le statut de réalité substantielle à ce qui n'est pas corporel, qui opposent les plus vives résistances à ce que l'esprit soit envisagé comme un système formel d'opérations conformes à des règles. Mutadis mutandis, on peut les considérer comme les héritiers de ces courants qui, dans l'Antiquité, se sont opposés à la réduction platonicienne des facultés spirituelles à la réception des relations intelligibles (c'est-à-dire mathématiques). Nous traversons les siècles pour arriver au siècle des Lumières. La philosophie des Lumières semble ainsi n'avoir gagné sa guerre contre l'esprit religieux qu'au prix de la raison philosophique mise au même tombeau que la spiritualité. Si l'avènement de la raison morale autonome, à l'âge de l'humanité s'est avéré illusoire, la raison scientifique, capable des techniques qui maîtrisent notre univers, prend victorieusement son relai. C'est par son progrès illimité et ses oeuvres éclatantes que la seigneurie de l'homme sur la nature est prouvée et éprouvée. Désormais, les réquêtes spirituelles qui s'exhalaient de la servitude et de l'impuissance ne peuvent secréter les illusoires compensations de la pauvreté matérielle. Mais du coup, les obscures spéculations philosophiques sont closes dans les vieux livres de quelques historiens. Avec la fin de lè're médiévale, sont révoquées les philosophies de la nature et, avec elles, les catégories cosmologiques tenant lieu d'ontologie. L'oubli de l'esprit, de son être prétendu, quand son savoir philosophique est dénoncé comme un songe creux, est ainsi l'inévitable résultat d'une partition instaurée par les exigences impliquées dans la constitution des sciences opératoires de la matière qui commandent l'abstraction, la séparation méthodique de tout ce qui n'est pas analysable quantitativement ni vérifiable expérimentalement, la mise entre parenthèses de toute donnée spirituelle en tout ordre de manifestation. L'extériorité des phénomènes objectifs d'un côté, appréhendés comme impénétrable opacité de la res, elle-même partes extra partes, l'intériorité subjective de l'esprit, en son abstraite liberté et son insaisissable réflexivité, de l'autre côté, dimension exclue de l'investigation scientifique. Dès lors, toute philosophie de la naturebrévoquée, toute manifestation de l'être personnel destituée de vérité, la pensée se consacre exclusivement à ce que la pensée n'habite pas, désertant son propre lieu de naissance livré à l'intime méditation d'une stérile réflexion philosophique. Comme le souligne admirablement Claude Bruaire : "Cependant, les extrêmes dissociés par cette partition ne peuvent s'équilibrer comme deux régions ontologiques maintenues en leurs vérités respectives: l'intériorité spirituelle ne fait pas le poids. Les prétentions des philosophes du sujet cèdent bientôt à l'aveu d'inconsistance, au constat de vacuité, quand la conscience s'avère objet à l'envers, privation de réalité et réflet épiphénoménal. La matière est figure exclusive de l'être dont l'esprit est exempt, son obscur souvenir se traduisant dans la chimère d'un hypothétique être nouménal, inaccessible, ou dans l'évocation d'une pensée transcendentale impuissante à sa pensée elle-même. L'être se réduit à l'apparaître, à l'apparence privée d'essence mais en plénitude d'elle-même. Si bien que l'auteur du savoir, continuant pour un temps de clamer sa liberté souveraine et imprenable, irelative et théomorphe, perd ses droits d'auteur dès lors que l'homme est lui-même matière de la science et lieu d'application des techniques. On ne fait pas à la science sa part que limiterait un domaine réservé: quand notre corps est livré à la biologie, l'intériorité spirituelle n'est que phénomène objectif pour la psychologie expérimentale ou pathologie et aucune idéologie ne peut dissimuler le fond crûment naturaliste de approches psychanlytiques. L'humanité de l'homme vient à être introuvable et la mort de l'homme n'exprime que l'utime conséquence de la mort de Dieu dont la suffisance à soi de notre seigneurie était le premier corrolaire."(24) A moins de rendre les armes en avouant l' effacement de sa raison d' être, la pensée philosophique n' a d' exercice continué qu' au prix d' une vive réanimation de la mémoire de l'esprit. Et cette mémoire n'est possible que si la pensée recouvre son lieu d'origine et sa sève disponible dans une vie spirituelle entretenue. Car la pensée n'est pas sans sa propre réflexion où elle se découvre autre, en son être et sa manière d'être, que tout phénomène naturel, irréductible à l' ensemble du monde des choses. Et c'est précisément cette altérité radicale qui provoque l'étonnement suscitant l'interrogation philosophique illimitée. Altérité de l'esprit humain, enté dans la vie naturelle et que thématise une logique de notre existence, que l'anthropologie positive ignore, pour se constituer comme une philosophie du corps irréductible à la biologie. Altérité absolue dont le concept force à la métaphysique spéculative. Ainsi la philosophie retrouve ses domaines inépuisables quand, ne pouvant se payer le luxe de l'abstraction si elle demeure volonté de vérité, elle fait mémoire de l'être que nos savoirs de la matière relèguent dans l'oubli et s'interroge sur l'actualité de sa présence qu'atteste l'intimité spirituelle imprenable et défiant le poids des choses. Mais le premier pas dans le questionnement philosophique est dès lors accompli par l'énoncé de l'enjeu immense qui lé légitime. Enjeu qu'exprime la série des conséquences de l'hypothèse que la modernité tend à ériger en thèse: si l'esprit n'a pas d'être, qu'en résulte-t-il? Si l'esprit n'a pas d'être, toute altérité de l'essence, de l'existence, de l'origine et de la destinée de l'homme, doit être dénoncée comme une mythologie caduque. Le médecin n'est que le vétérinaire de notre espèce naturelle, sans déontologie spéciale, sans autre norme que la performance biologique exigeant invinciblement un eugénisme systématique. L'homme politique laisse place au gestionnaire de l'économie quand la liberté n'est plus la référence du droit, l'administration des choses se substituant au gouvernement des hommes, selon la prophétie de Saint-Simon devenue, pour les marxistes, formule emblématique de la société ultime. Toute obligation morale, faute de savoir son enracinement spirituel, se réduit à son contraire, la contrainte des choses et des codes nécessaires à la mise en place des techniques. L'activité artistique devient vestigiale pour se priver d'inspiration effective et contredire le règne de l'utile et du fonctionnel. L'éducation n'est plas qu'un dressage à l'activité productrice, en dépit d'apparences pédagogiques dont le vocabulaire convenu de créativité est la dérisoire excuse de l'inculture. Mais l'enjeu d'un savoir de l'esprit, de sa reconstitution ou de sa récession accélérée et irréversible est manifeste, de façon décisive, dans l'état et le devenir des demandes humaines. Toutes les réductions consécutives à l'effacement de l'esprit sont, en effet, inscrites dans la métamorphose d'aspirations propres à l'homme, définissant distinctement son existence hors série des espèces naturelles. "L'étonnement initial, au premier manifeste de l'enfance humaine, pour Claude Bruaire, est devant le désir inutile, transgressant tout besoin de la vie et que traduira la curiosité indéfinie du petit d'homme. Désir portant toute demande intérieure, toute interrogation, tout appétit de bonheur et toute inquiétude pour le mystère de notre origine comme pour la destinée de notre être. Heureuse ou malheureuse, la conscience, dès lors, couple l'inscience au vif de la demande insatiable d'exister par toute différence de vivre, demande affrontée à l'irrécusable mort biologique. Sans cette demande qui relègue et relativise toute ambition ou appétit de jouissance, aucune religion ne se serait fait entendre puisqu'elle se définit d'abord par un message de salut, promesse divine qui seule est à la hauteur de l'exigence spirituelle. Autre la demande, autre l'offre; à demande d'esprit, réponse en termes et figure de l'Esprit impérissable."(25) Or, rien n'est plus remarquable que la mise en silence, sinon la mise à mort des demandes d'esprit. Dans le temps où la multiplication indéfinie des besoins matériels leur fait occuper toute requête, où l'on exige du politique comme du médecin la gestion de la vie et non les droits gardés de l'esprit libre, s'exténue et s'oublie le désir spirituel qui nous constitue, qui nous fait autre, qui est refus de faire nombre avec les autres espèces comme d'être réduit au banal destin biologique pour lequel la mort est le seul avenir de la naissance. D'où l'iireligion massive de nos sociétés quand les clercs deviennent prédicatuers de la justice distributive. Il arrive, sans doute, que l'esprit se révolte ou tente l'évasion imaginaire du monde, sourd à sa requête. Mais faute, précisément, du savoir et de la pratique de sa spiritualité, la révolte est récupérée par toute forme de naturalisme ou de matérialisme, cédant à leur contrainte, pour expirer dans l'envie des biens de la terre, où à la violence et au désespoir suicidiaire. 1.2 CONCEPT D'ESPRIT ET LOGIQUE DE LA SPIRITUALITE Si la philosophie, pour réanimer son interrogation et recouvrer le plein droit de sa pensée, doit s'efforcer à la mémoire de l'esprit qu'entretient la spiritualité, elle est en peine d'affirmer et d'identifier l'être de l'esprit faute d'être assurée d'en saisir le concept et sa nécessité. Car sans la réminiscence du concept, de son sens irréductible et indérivable, la raison discursive ne saurait connaître une vérité de l'esprit ni s'éprouver réflexivement comme opération spirituelle. De manière générale, quand l'esprit s'avère inconceptualisable, quand s'effacent sa différence et sa thématique propre, nous ne connaissons plus que deux instances, celle de la nature et celle de la logique. Naturalisme et formalisme, sont alors les seuls systèmes de l'entendement prêts à s'identifier dialectiquement: la forme n'est plus sens intelligible et se réduit à la configuration de structures matérielles. Mais l'esprit est-il bien un concept, qui pourrait être fil directeur vers son être et sa présence? Deux difficultés semblent aussitôt insurmontables. D'une part, "esprit" ne semble énonçable que négativement, échappant à toute détermination positive: invisible, insensible, immatériel, n'est-il pas incaractérisable, ineffable, impensable? Mais d'autre part, au moindre effort pour en repérer les significations attachées au vocable traditionnel, nous nous trouvons en sémantique équivoque, en dualité d'évocation. Et seule la levée de l'équivoque nous permettrait, en reconnaissant l'unité conceptuelle, de surmonter la première aporie. Claude Bruaire pense que "L'esprit est lié, premièrement, à la symbolique de l'animation de la vie naturelle, à la respiration, selon le contrecourant de l'inspiration et de l'expiration. C'est la signification pneumatologique. Mais, deuxièmement, l'esprit désigne l'intelligence de l'intelligible, indemne du savoir empirique. C'est la signification noétique ou nouménologique. Quoi de commun entre ces deux foyers sémantiques et comment les faire convenir entre eux pour l'unité conceptuelle réquise? Non seulement l'un semble étranger à l'autre, mais ils apparaissent contradictoires: la vie naturelle et la connaissance suprasensible, le sensible et l'intelligible, le devenir et l'identité, le mouvement et le repos...Pourtant, à bien examiner, les deux significations opposées, dissimulent une réciproque convenance, avant de venir s'identifier."(26) Il ajoute plus loin "L'animation du vivant est par l'unité indivise des deux temps, respiratoires et circulatoires: inspiration, expiration; systole, dyastole; et par extension - où le symbole prend part à ce qu'il symbolise -, des couples de contraires mutuellement nécessaires: concentration, expansion; intériorité, extériorité; abstraction négative, expression positive. Ce dernier couple, tout en prescrivant l'équilibre de deux mouvements en contre-courant, équilibre pneumatologique du "souffle" continué de l'esprit, dit adéquatement l'activité de la pensée qui ne préserve sa capacité noétiqe, d'intelligence et de connaissance, que par mutuelle et réciproque relation en acte, la réflexion et l'expression d'elle-même. Par contre, la pensée s'immobilise et se ruine dès lors qu'elle se réduit à l'une de ses instances en contre-courant."(27) Dès lors, pense-t-il, que nous délaissons, les représentations d'une intelligence immobile, figée et inanimée, selon le schème contemplation muette et arrêtée, d'une vision paralysée, la pensée effective doit souscrire à sa double exigence constitutive. Sa réflexion, sans laquelle elle s'ignore elle-même, ne peut éprouver son sens ni rester soumise au jugement autonome, force à l'intériorité, à l'intime méditation. En sens inverse, son expression manifeste en un langage et sans laquelle toute articulation discursive est broyée, au prix de la rationalité, force à la communication, à l'extériorité. Que s'installe un divorce entre ces deux instances, par exclusion de l'une ou de l'autre, et la pensée fait sécession interne pour s'arrêter et se perdre. Ou bien, délestée de son expressivité qui maintient vive la norme d'universalité, elle s'épuise en l'arbitraire d'opinions avant de se stériliser en une subjectivité muette. Ou bien, sacrifiant sa réflexivité, elle perdra son autonomie avant de se réduire à l'extériorité des mots insignifiants, mots répétés et jamais éprouvés dans leurs sens et leur vérité. Ainsi la signification noétique de l'esprit, dès la simple analyse de l'acte intellectuel en une pensée animée et continuée, recouvre un équilibre fragile où contre-affluent les deux instances pneumatologiques indispensables à la vie de l'esprit. Equilibre rompu par la dialectique où l'un des contraires est unilatéralement privilégié et où s'annonce, en deux figures inverses, l'exécution de la pensée. L'esprit n'est l'intelligence que si celle-ci vit de l'animation que rythment les deux mouvements contraires, mais mutuellement nécessaires, de l'énergie spirituelle. L'esprit avère par là l'unité conceptuelle de son sens, unité exigée pour la vérité de son être. Et le même contre-courant pneumatologique se conforme si, de l'activité de l'intelligence, nous allons à l'analyse de l'autre opération remarquable de l'existence spirituelle, celle de la liberté, de l'"esprit libre" en l'actualité de lui-même. Car la liberté, introuvable elle aussi dans le monde des choses, dans la matière de la nature, est constituée d'un double sens, d'une apparencte contradiction de deux significations inverses. Celle de l'indépendance, pouvoir du non, où la liberté s'éprouve inconditionnée, irrelative, comme le divin dans l'homme. Celle de la détermination, de l'acte effecif, de l'action positive. Exclusive de la première, la seconde incline à l'action irréfléchie, vite asservie à la passion, au risque de la violence qui ruine le sens et l'autonomie, où à l'activité d'initation qui cède aux contraintes du cours du monde. Deux manières pour l'esprit libre de se perdre, de se démettre de soi. Une seule logique, là encore, celle de l'équilibre des deux puissances spirituelles contraires qui rythment l'unité vulnérable de la vie de l'esprit. De cette simple analyse conceptuelle, avant même de conduire l'interrogation philosophique vers une ontologie de l'esprit, une leçon doit être tirée, croyons-nous pour l'appréciation complète, mais encore formelle, de la spiritualité. Quelle que soit, en effet, sa concrète particularité, la spiritualité est jugée comme abstraite et infirme intériorité.Et sans a-t-elle souvent offert d'elle-même l'image du repli sur soi, de l'abstraction intime, de la fermeture du monde, pour le privilège d'une subjectivité muette, stérile et sans attestation d'elle-même. Au point d'avancer une "supériorité" de la contemplation sur l'action, modulant fastidieusement sur le thème de la "meilleure part", précipitamment conclu du propos évangélique, réitérant l'alibi de la désertion des oeuvres de l'esprit. C'est pourtant méconnaître résolument les grands auteurs spirituels, qui n'ont jamais cédé à l'abstraction d'une subjectivité en peine d'attention nostalgique à soi. La confusion entre spiritualité et culture exclusive du sens intime a, sans doute, deux origines. D'une part, le détachement exigé pour gagner l'ordre de l'esprit risque de s'identifier avec la désaffection pour l'existence historique et sociale, quand le renoncement à l'avoir et au pouvoir prend le contre-sens de l'intraversion qui absente du monde extérieur: si la vie spirituelle est exténuée par l'avoir, elle implique son manifeste dans l'active présence. Mais ,d'autre part, le savoir de l'esprit discerne la recherche du divin de toute fuite en avant, vers un monde au-delà du monde, selon une représentation extérieure de la transcendance. Invite à découvrir l'absolu de l'esprit à la source de l'être, au mystère de l'origine, l'infinie proximité de l'intimior intimo meo risque, en contre-sens redoublé, de se dégrader, en ferveur nostalgique pour la sensibilité interne. Mais la spiritualité révoque ses propres perversions dans l'exacte mesure où elle informe l'existence de la logique de l'esprit, de l'équilibre de l'animation par la présence réciproque du recueillement réflexif à l'activité manifeste et de l'exigence d'expression et d'action en la méditation intérieure. L'esprit n'est pas figuré par l'abstraction ni servi par la désertion. Il n'expire dans le divertissement de lui-même que s'il cesse de puiser inspiration en son propre recueillement. 1. 3. ONTOLOGIE ET CONFIRMATION SPIRITUELLE Si la spiritualité, contre la logique de l'esprit, tend cependant à privilégier le recueillement intérieur, ce n'est pas seulement par déviation qui résulterait des défis et des refus de la modernité, c'est aussi en conséquence d'une sourde adhésion fréquente à une théologie négative héritée du néoplatonisme. Que le divin ne puisse être exprimé positivement en vérité, que son indétermination frappe d'interdit la relation de l'esprit à l'Esprit absolu, relation dialogale et de mutuelle présence, alors se conclut une mystique d'identification, réductrice de la spiritualité à l'abnégation de soi, qui prive de sens toute manifestation positive. Ainsi l'activité spirituelle est en peine de prendre, pour norme exclusive, la conversion abnégative, selon le thème de l'epistrophè plotinienne. Et la spiritualité est alors inclinée à sacrifier l'instance positive de l'énergie spirituelle pour s'épuiser dans le reploiement subjectif en l'intériorité fermée. Il est clair qu'une telle présupposition de métaphysique négative contredit la simple idée de révélation, ce qui implique, en contrecoup, une spécificité de la spiritualité chrétienne capable de la logique de l'esprit. Mais pour le débat philosophique et son enjeu spirituelle, l'important est ici que le privilège de la conversion négative interdit de lui reconnaître sa cruciale importance ontologique. En effet, tout ce qui paraît, apparaît, tout ce qui se présente, se manifeste, ne serait que pure extériorité phénoménale, poussière éventée par la division infinie, si une unité intérieure n'assurait la consistance du réel. Le savoir des phénomènes empiriques suppose ainsi lui-même, inévitablement, quelque principe d'unité interne comme la cohérence des lois ou la cohésion organique. Mais ce qui est supposé ici est une nécessité constitutive du concept d'esprit. Que ce qui est n'ait pas d'être sans sa réflexion unitive, sans sa conversion substantielle, voilà ce qui dit adéquatement l'esprit dès lors qu'il ne se conçoit pas, en sa positivité effusive, expansive, expressive, manifeste, sans le recueillement intérieur, sans la réflexion conversive, ontologique avant d'être psychologique, qui couple, équilibre, en inspiration pneumatologique, l'expiration animatrice. C'est pourquoi, le concept d'esprit est requête de son être. Sa mémoire est anamnèse de sa réalité ontologique, forçant l'enquête philosophique à la découverte de la présence de l'être de l'esprit. Evoquant le désir, la pensée, la liberté, Claude Bruaire envisage "les actes ou opérations de l'esprit humain. Mas dès l'énoncé de l'enjeu, c'est l'être même de l'esprit qui était en cause. L'être d'esprit habitant la vie naturelle, à quoi se réduirait notre existence s'il n'était que vestige de l'ignorance préscientifique."(28) Mais notre auteur est habitué "à moduler sur l'assertion kantienne de l'expérience exclusivement empirique, sans la remettre en cause. Toute activité de l'intelligence, pourtant, comme la simple connaissance d'autrui, comme l'aperception de soi-même, contredisent absolument cette assertion, serve de nos savoirs de la matière."(29) Non seulement, en effet, au moindre événement de langage, Bruaire comprend immédiatement "le sens qui transit le corps des mots, mais (il n'aurait) jamais le manifeste de quelqu'un, survenant de son secret, si l'expressivité personnelle n'en dévoilait l'être spirituelle insubstituable sur son visage, son regard. Et la certitude de soi, en la réflexion consciente, emporte sa vérité d'être, soi-même, substantiellement, autre que le corps, autre que notre rôle social, autre que les aventures de la vie. L'altérité spirituelle de l'être singulier, en recueillement sur soi et en expression extérieure, en réflexion sécrète ou en activité effective, défie toute réduction aux apparences empiriques, à mésurer l'être à l'aune de l'observable et du vérifiable. Dès lors, la spiritualité, qui entretient et avive ce défi, attend de la philosophie une ontologie explicite de l'esprit."(30) Une telle ontologie, qui est, croit Claude Bruaire, la tâche principale de la pensée spéculative, en la pure rationalité de sa démarche, trouve son point de départ obligé dans le commencement de l'existence. Celui-ci survient hors de toute explication en termes de causalité naturelle ou de produit de la volonté. C'est notamment, ce que transcrit l'aveu des parents de n'être, par leur corps et leur vouloir, que l'occasion procréatrice de la parution d'un être, par être qui fait tout un monde neuf à lui seul. Mais par ailleurs, à moins d'un délire d'autocréation, mais nous savons dès l'origine que nous ne devons pas à nous-mêmes ce que nous sommes. Si bien que chaque être d'esprit est, exactement, donné à lui-même, être-de-don, faut-il dire, quand le bénéfice est identiquement le bénéficiaire. Quand bien même l' origine du don d'être, et de tout l'être, demeurerait en son mystère, sans possibilité d'identifier un Donateur ni le sens de son don, seule une ontologie de son être spirituel en termes de don, renouvelant, pour être adéquate, l'ensemble de ses catégories, constituerait un savoir conforme aux manifestes de l'humanité de l'homme, compris dans la concrétion de chaque personne singulière. Savoir dont les implications s'annoncent décisives, en particulier dans l'ordre de l'éthique, découvrant le fondement de l'obligation. L'obligation morale, en effet, ni ne peut être assimilable à la contrainte, qui la contredit, ni ne peut être l'option aléatoire de notre arbitraire. Elle doit donc devancer nos choix, où elle se risque, comme elle doit être de l'essence de la liberté. Mais la liberté humaine a sa formule exacte dans l'être donné à lui-même, avant tout acte libre de l'être libre, et si l'être d'esprit est être-de-don, il est nativement en dette de lui-même. Ainsi la spiritualité ne peut-elle s'affranchir de l'éthique, à moins d'être sourde à la pensée ontologique qu'elle suscite. Encore moins pourrai-elle tarir le désir qui l'anime d'une intimité spirituelle avec l'absolu de l'esprit. Ainsi la médiation philosophique est-elle son nouveau recours. Autre que la vie naturelle et imprenable en toute classification opératoire, l'être d'esprit compris en son concept pur. Car l'esprit humain est fini en ce qu'il n'est pas sa propre origine, en ce que son être, donné à lui-même, diffère de ses opérations qu'il porte en son existence. Mais de l'esprit, absolument parlant, à l'affirmation de l'Esprit absolu, la médiation spéculative est nécessaire: alors même que l'Esprit divin serait connu dans la foi, il doit être reconnu par la pensée qui n'a d'autre appui qu'elle-même et d'autre contenu que ses concepts nécessaires dont elle fait l'anamnèse. Et cette médiation spéculative s'opère dans la preuve ontologique de Dieu, quel qu'en soit la présentation formelle. Que l'absolu de l'esprit ne puisse être pensé sans l'affirmation de son être, que l'absolue liberté qu'il signifie soit identiquement et nécessairement la radicale initiative de son existence, que l'Esprit absolu soit positive affirmation de lui-même, voilà ce que dit la médiation spéculative. Cependant, l'affirmation de Dieu, Esprit absolu, n'est affirmation de l'Autre de nous-même, esprit fini, qu'en étant pensée de l'infini spirituel. A distance des représentations spatiales, ou numériques de l'indéfini, l'infini de l'esprit signifie, non l'illimitation impensable, mais la toute puissance, illimitée, de se donner expression de soi. Don de soi compris précisément comme don de tout ce que le Principe est, Génération du Fruit unique où se donne tout pouvoir divin. Et, à son tour, par conséquent, le Don se rend en échange, ce qui dit la perfection de l'amour mutuel. Là où la création, don de l'être sans retour ni retenue, est don de ce que Dieu n'est pas, la génération est don de ce qu'est l'Esprit infini. Si bien que l'infini de l'esprit est don et restitution, offre de soi sans reste et reddition au Principe. Ce qu'exprime, en suscitation vive, la théologie des relations divines de paternité et de filiation. Il est, cependant, une autre suggestion de la pensée du christianisme à la philosophie, dont ne saurait se priver la vie spiritualité. Car le détour philosophique devrait ici régénérer de toute la force de l'ontologie spirituelle cette "vie" qui risque d'expirer sous le poids des choses et les pressions de notre "civilisation". C'est celle de la conformation spirituelle que la raison spirituelle que la raison spéculative articule inévitablement dès qu'elle pousse à l'extême l'analyse consécutive de l'infini de l'esprit, qui exprime là, toute rigueur conceptuelle de l'absolu. Si, en effet, la Puissance illimitée n'est l'infinie positivité du divin qu'en actualisant sans reste, absolument, en l'Expression de soi où il se donne sans réserve, donnant toute sa Puissance même, si celle-ci réciproquement, est acte pur de reddition filiale à son Principe, l'échange spirituel, par cette parfaite réciprocité, ne serait que bilan nul d'une abstraite et vide identité. A moins de céder à la représentation d'une alternance indéfinie selon le successif de l'effacement de chaque moment, la conception est obligée à la pensée de la confirmation du don. S'il faut dire ainsi que l'Expression est confirmée, par une sorte de ruse de l'amour principiel, paternel, afin de pleinement souscrire à la nécessité conceptuelle de l'infini, c'est à condition de comprendre la confirmation comme redoublement du don, double détente de l'acte générateur, selon une absolue gratuité, vérité pure de cette nécessité. Confirmation silencieuse qui est don sans retour, en là toute abnégation d'elle-même. Kénose de l'Esprit qui n'est qu'esprit en sa propre différence divine, qui repose ce que pose le Principe, et donc qui fait être absolument, l'échange absolu qu'il présuppose. Energie pure de l'Esprit de l'Esprit qui fait être victorieusement, sans rien ajouter, pas un mot, à l'Essence exprimée paternellement. Conformer n'ajoute rien, sinon l'effectivité de l'être, comme tel. De telle sorte que la spéculation trinitaire offre à penser, de manière décisive, que le Nom divin de l'Esprit, "troisième" personne, de l'esprit qui n'est qu'esprit, ce que la philosophie énonce comme la question de l'être comme tel, de l'être qui n'est qu'être, mot demeuré sans suite depuis Aristote, en dépit de sa toute nécessité. Ou bien l'être, qui n'est aucun être déterminé, n'est que l'abstraction-limite de tout ce qui est, ou bien il est l'acte confirmant dans l'effective présence, l'existence de chaque être à l'essence duquel il n'ajoute, cependant, rien: l'être qui n'est qu'être, c'est l'être qui n'est qu'esprit. Ainsi se précise en quel sens la philosophie est spiritualité. Toujours en quête inlassable de l'être d'esprit, non seulement l'animation de sa recherche est puisée à l'énergie spirituelle, mais en retour, elle ne découvre le secret d'un savoir ontologique qu'en puisant à l'anmnèse du concept pur de l'esprit, en l'absolu de lui-même. Si la spiritualité donne à la pensée son énergie et son idéalité, faute de quoi elle ne serait qu'immoblie ensemble de mots insignifiants, en revanche, la pensée, dès qu'elle cesse d'être divertie par son contraire, par l'exploration titanesque de l'univers matériel, peut découvrir à la spiritualité quelque vérité de ces certitudes. En la philosophie qu'elle régénère, la vie spirituelle a son fraternel auxiliaire. A suivre............ Père AKE Patrice Jean pakejean@yahoo.fr ________________________________________________________________ Claude BRUAIRE, "l'être de l'esprit" dans Encyclopédie Philosophique Universelle I, L'univers philosophique, (Paris, PUF 1991), p. 34 Ibidem, p. 34 Ibidem, p. 34 Ibidem, p. 34 Ibidem, p. 34 Ibidem, p. 34 Ibidem, p. 34 Jean-Paul Sartre.- L'Etre et le néant. Essai d'ontologie phénoménologique (Paris, Gallimard 1943), p. 11 Claude BRUAIRE, O.C., p. 34 Ibidem, p. 34 Ibidem, p. 34 Jean-Paul Sartre, O.C., p. 12 Ibidem, p. 12 Jean GREISCH, "philosophie et mystique" dans Encyclopédie Philosophique Universelle I, L'Univers philosophique, (Paris, PUF 1991), p. 26 Claude BRUAIRE, "philosophie et spiritualité" dans Dictionnaire de Spiritualité Tome XII, 1ère partie, (Paris, Beauchesne 1984), p.1378 Ibidem, p. 1378 Ibidem, p. 1378 Ibidem, p. 1378 KIRK(G.S.) RAVEN(J.E.) et SCHOFIELD(M.).- Les Philosophes présocratiques (Paris, Cerf 1995), p. 390 Ibidem, p. 390 Ibidem, p. 390. Ibidem, p. 390. Ibidem, p. 182. Claude BRUAIRE "philosophie et spiritualité" dans Dictionnaire de Spiritualité Tome XII, 1ère partie, (Paris, Beauchesne 1984), p.1379 Ibidem, p. 1380. Ibidem, p. 1381. Ibidem, p. 1381. Ibidem, p. 1383. Ibidem, p. 1383. Ibidem, p. 1384.

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